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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 février [1836], lundi matin, 10 h. ¾

Bonjour mon bon petit Toto. Comment as-tu passé la nuit, mon cher petit homme ? Tu ne dors pas, tu travailles sans cesse, je ne sais pas comment tu peux y tenir. Hier, ou plutôta aujourd’hui, après que tu m’as eu quittée, j’ai eu toutes les peines du monde à me rendormir. Aussi je t’ai joliment aimé. Pauvre ange, je pensais avec une joie triste que tu m’aimais, que tu te dévouais à moi, j’aurais voulu me coucher à tes pieds et les baiser pendant que tu dormais. Je voudrais me fondre en toi.
Je me suis levée un peu plus tard que d’habitude ce matin parce que j’ai souffert de coliques cette nuit. Il fait bien beau temps aujourd’hui. Cela me fait penser à notre délicieuse matinée de l’autre jour. Je voudrais que ce fût aujourd’hui. Quand tu viendras, mon cher bien-aimé, tu trouveras une bonne petite femme t’aimant de toute son âme, travaillant bien dans le jour pour tâcher de te rattraper dans ton héroïsme de la nuit.
Je t’aime, je te baise, tu es ma vie, tu es mon soleil, tu es tout ce qui est beau et bon.

Juliette


BnF, Mss, NAF 16326, f. 105-106
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

a) « plustôt ».


15 février [1836], lundi soir, 8 h. ½


Oh ! Ah ! Oh ! Oh ! Ha !!! Je n’en ai jamais vu de si grand, de si gras et de si dodu, j’ajouterais même de si tendre ! Enfin, quoi qu’il en soit, j’en suis venue à bout, je l’ai dépecé, je l’ai coupé, je l’ai mangé.
Je ne le porte pas en compte à cause du......................... de poulet que je vous ai vendu d’avance.
Je vous aime, mon cher petit Toto, quoiqu’il me soit clairement démontré que vous m’avez trahie tantôt. J’ai interrogé les enfants. L’un dit : avoir vu un chapeau noir, l’autre un chapeau blanc, en prenant le terme moyen je trouve un chapeau rose. L’un dit : Pandolfo, l’autre Roderigo. Je vais faire mettre la moitié de la ville à la question [1].
Toujours est-il certain que vous me trompez et que je vous aime de toute mon âme absolument comme si vous étiez le plus fidèle des amants. N’est-ce pas que tu ne me trompes pas mon cher Toto ? N’est-ce pas que tu n’aimes que moi ? N’est-ce pas que tu ne pourrais pas aimer une autre femme ? Moi, je t’aime. C’est bien vrai. Je donnerais toute ma vie pour te le prouver une bonne fois.

Juliette


BnF, Mss, NAF 16326, f. 107-108
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

Notes

[1Juliette Drouet parodie d’abord Angelo tyran de Padoue, où le nom de Rodolfo, amant de Caterina (femme du tyran Angelo) est livré par Homodei à deux sbires qui ne le retiennent pas. L’un (Orfeo) croit avoir retenu « Roderigo », l’autre (Gaboardo) croit avoir retenu « Pandolfo » (Journée III, scène 3). Puis elle parodie Lucrèce Borgia où Gubetta, après l’offense faite par Gennaro au nom Borgia (transformé en Orgia), dit « voilà un calembour qui fera mettre demain la moitié de la ville à la question » (Acte I, partie II, scène 3).

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