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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 mars 1839

17 mars [1839], dimanche, midi ¾

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon adoré. Je deviens de plus en plus paresseuse mais ce n’est pas tout à fait ma faute car j’ai très mal dormi ce matin. Je ne sais pas pourquoi, à moins que ce ne soit de plaisir. Vous avez été si charmant hier et si adorablement bon qu’il y avait bien de quoi me tenir éveillée tout le reste de la nuit. Bonjour toi, je t’aime. Je voudrais être avec vous, bien loin d’ici dans une AUBERGE ou sur un grand chemin ou autre part, pourvu que nous soyons ensemble et libres.
Cette vieille ACTEUSE [1] m’a rappelé hier le plus beau temps de ma vie, celui où nous étions si persécutés et si heureux. Nous ne le sommes pas moins à présent, au contraire, mais le passé de l’amour, c’est comme le portrait d’un enfant bien aimé qu’on aime à regarder dans sa petite figure jeune et fraîche. Je ne sais pas si tu pourras me comprendre car je dis précisément ce qu’il faut pour ne pas l’être. Mais je veux dire que dans un amour comme le nôtre, le souvenir du bonheur passé est aussi vif que celui du présent, et que celui qu’on espère l’est autant que ces deux-là. Et puis d’ailleurs, il n’y a pas tant à chercher pour trouver ce que je veux dire : je t’aime, je t’aime, je t’aime, voilà le fond et le sens de ma lettre. DEVINE SI TU PEUXa ET CHOISIS SI TU L’OSES [2].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 271-272
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « PEU ».


17 mars [1839], dimanche soir, 7 h.

Il est sept heures à ma pendule et Mme Pierceau n’est pas encore venue, je ne pense pas qu’elle vienne maintenant. Mais je voudrais vous voir mon Toto. J’étais échevelée tantôt et je n’ai pas eu à peine le temps de vous voir et encore moins celui de vous baiser, cependant j’en avais un fameux tas à vous donner et qui me remplissent la bouche et la gorge depuis cette nuit. Enfin voilà comme vous êtes : plus on vous aime et plus vous êtes invisible, ce n’est pas encourageant et je devrais bien, par calcul, vous aimer un peu moins pour vous forcer à être un peu plus assidu. À propos, pendant que j’y pense, tu devrais bien prendre sur toi de monter jusqu’à la chambre de la bonne pour faire un choix parmi tes vieilles bottes afin de les donner en même temps que l’habit et le gilet à ces pauvres Lanvin qui en ont le plus grand besoin. Si vous veniez DÉJEUNER demain, vous pourriez faire cette bonne œuvre en même temps. Hein ? Qu’en dites-vous ? Je n’ose pas y compter parce que le bonheur que j’espère et qui ne vient pas m’est un chagrin si vif que j’aime mieux ne pas l’espérer afin de moins souffrira. Je vous aime, Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 273-274
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « soufrir ».

Notes

[1Néologisme régulier de Juliette Drouet pour « Actrice ».

[2Citation de Corneille (dans Héraclius, acte IV, scène 5).

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