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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 mars 1839

16 mars [1839], samedi, midi ¾

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour mon bon petit homme. Je suis honteuse de me réveiller si tard quand je pense que toi tu n’as pas dormi peut-être deux heures dans toute ta nuit. Je n’ose pas te demander comment vont tes pauvres yeux adorés. Mon Dieu, quand donc ton dévouement, c’est-à-dire ton supplicea de toutes les nuits finira-t-il ? Nous pourrions être si heureux ! Je t’aime tant ! Et dire que tout ça est sacrifié à des besoins sans cesse renaissants et à un passé qui ne peut pas s’effacer. Encore si je pouvais travailler aussi, moi, et gagner de l’argent, ce ne serait que demi-mal, mais mon inaction m’exaspère et mon courage ne me sert qu’à souffrir davantage de tant de dévouement et d’amour perdu. Ce matin, à travers un sommeil lourd et pénible, je sentais tout ce que je te dis là, je pleurais et je te priais de ne pas continuer à te tuer pour moi, mais en rêve comme en réalité, tu ne tenais pas compte de mes prières et tu continues toujours ton affreux travail qui brûle tes pauvres beaux yeux et consume ma pauvre âme en désirs inutiles. Je t’aime, mon Toto chéri, je t’aime, mon adoré. Tu es ma joie, ma vie, ma lumière, mon bonheur, mon étoile et mon ciel, tu es tout et mon âme avec.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 267-268
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « suplice ».


16 mars [1839], samedi, 8 h. du soir

De nettoyage en nettoyage, on vient seulement de finir à présent. Moi-même je ne viens que de finir à présent ma TOILETTE car j’espère, pour n’en pas perdre l’habitude, que nous irons ce soir à Marie Tudor [1]. Je suis donc sous les armes, je vais dîner en quatre coups de dents et voilà. J’ai bien peur d’en être pour mes frais, mais au moins je n’aurais rien à me reprocher. Pourquoi donc, mon cher petit homme, n’avez-vous pas voulu laver vos yeux tantôt ? Et pourquoi donc étiez-vous encore plus pressé qu’à l’ordinaire ? Est-ce que vous aviez quelque commission ou quelque visite à MM. Lesage et Soufflard [2] ? Il faudra m’expliquer cela ce soir. J’ai reçu une lettre de Mme Krafft que je n’ai pas décachetée, vous voyez que je fais bien tout ce qu’il faut pour vous épargner une inquiétude ou une jalousie, pourquoi n’en faites-vous pas autant ? J’ai avec moi les deux petites filles dont le jabotage me casse la tête. J’aimerais mieux votre douce voix et votre charmante bouche rose à baiser. Mais hélas, il n’est pas question de ce que je préfère mais bien de votre absence multipliée et allongée dans tous les sens. Je vous aime pourtant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 269-270
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

Notes

[1À élucider : dans quel théâtre ? Il semblerait que ce soit à la Porte-Saint-Martin où il y a plusieurs jours de suite une « représentation exceptionnelle » 

[2Le 8 mars, Hugo a assisté à l’ouverture du procès en assises de Lesage et Soufflard, accusés, avec Micaud, Mme Vollard et sa fille Alliette du meurtre de Mme Renault.

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