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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 décembre [1844], mercredi matin, 11 h.

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon petit Toto chéri je t’aime. Je suis un peu souffrante ce matin peut-être cela se dissipera-t-il quand je serai levée. Je vais me dépêcher de déjeuner pour me secouer un peu. Je suis sûre si tu viens que je serai guérie. Tu as ce pouvoir toi de m’ôter tous mes maux mieux que tous les médecins du monde. À propos de médecin j’attends ma médecine aujourd’hui. Plus que jamais je suis résolue à ne pas aller à cette représentation [1]. Toi n’y étant pas ce serait un supplicea pour moi insupportable. Aussi je n’accepterai dans aucun cas. Je te supplie de ne pas l’exiger. J’aime des millions de fois mieux rester chez moi à penser à toi que d’assister à des choses qui m’ennuient et me fatiguent sans m’amuser. Voilà. Mon cher petit homme tu ne peux pas trouver cela mauvais. Je m’aperçois que je viens d’écrire une phrase sur l’ennui et l’amusement dans le genre de feu M. La Palicea. Heureusement que tu n’y regardesb pas de si près avec moi. Pourvu que je t’aime, peu importe la manière dont je te le dis. Ô oui je t’aime mon Victor, il y a des moments où j’en suis effrayée. Pauvre adoré je te demande pardon de ma violence et de ma jalousie de cette nuit. Il y avait longtemps que cela ne m’était arrivé. Il y avait longtemps que je n’avais autant souffert. Enfin c’est passé ; grâce à toi, grâce à ta douceur ineffable et à ton indulgence sans borne. J’espère que cela ne reviendra plus jamais. Je te remercie mon bien-aimé du fond du cœur. Sois béni mon Victor éprouvé. Sois comblé de toutes les consolations du ciel et de la terre, mon cher petit bien-aimé, c’est la prière que j’adresse pour toi au bon Dieu tous les jours.
Je baise tes beaux yeux, ta ravissante petite bouche, tes belles mains et tes charmants petits pieds. Je t’adore, tu es mon Victor adorable. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 189-190
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « suplice ».
b) « La Palisse ».
c) « regarde ».


25 décembre [1844], mercredi soir, 6 h.

Est-ce que je ne te verrai pas un peu ce soir, mon bien-aimé, avant ton dîner et le mien ? Ce sera un bien triste Jour de fête s’il faut que je ne te voie pas avant minuit ou 1h du matin. Enfin je t’ai promis de ne pas me plaindre et je veux tenir ma promesse coûte que coûte. Je n’aurai pas la peine de refuser une seconde fois la Loge de M. Desmousseauxa car Mme Triger n’est pas revenue. Je trouve la chose très bien arrangée comme cela. Oh ! Si j’avais dû passer la soirée avec toi, sans te contrarier pourtant, je n’aurais pas été aussi indifférente mais pour aller au théâtre seule, merci, j’aime mieux mon coin du feu. Je te préviens mon cher amour que j’ai acheté pour huit sous de papier à lettres aujourd’hui. C’est comme si je te disais que j’ai jeté quatre sous par la fenêtre. Il faudra bien tâcher d’en acheter à la rame le plus tôt possible car on en use beaucoup et il y a cent pour cent à gagner ou à perdre, au choix. Je t’y fais penser, mon Toto chéri, pour que tu en achètes en passant quand tu vas à l’Académie ou chez ton beau-père [2] ou AILLEURS. Jour Toto, jour mon cher petit o. Je ne suis pas contente mais je ne veux pas le dire parce que vous me l’avez défendu. Je suis GEAIE, voime, voime très geai…….b Cependant qu’est ce que je peux demander et désirer au monde puisque j’ai la revue de l’ORIENT [3] !!! Il paraît décidément que je suis insatiable de plaisir et de volupté. Tant pire pour moi alors mais je n’aurai pas autre chose. Cela m’apprendra à être trop gouillaffe et à LICHER le DESSUS de ma TARTINE comme UNE PERSONNE. Baisez-moi et aimez-moi si vous n’êtes pas une fichuec bête.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 191-192
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « Démousseaux »
b) Les sept points de suspension courent jusqu’au bout de la ligne.
c) « fichu ».

Notes

[1Une représentation à bénéfice donnée par l’acteur Desmousseaux à laquelle Victor Hugo et elle ont été invités par l’intermédiaire de Mme Triger, et qu’elle a déclinée, prévoyant que Victor Hugo n’y viendrait pas.

[2Victor Hugo rend souvent visite à son beau-père malade.

[3La Revue de l’Orient, bulletin de la Société Orientale, société scientifique et littéraire fondée à Paris en 1841, est publiée à partir de 1843.

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