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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 décembre [1844], mardi matin, 11 h. ½

Bonjour, Toto, bonjour, mon cher petit Toto, bonjour. J’ai joliment chaud dans votre bonne douillette [1] rouge. Je me suis ingérée de la mettre ce matin et je vous prie de croire que je la sens mieux que le point du jour. Mets-tu la tienne, toi, au moins ? Ce ne serait pas la peine de te donner des bonnes petites pelures de satin blanc et de flanelle écarlate pour que tu ne t’en servesa pas.
Tu as bien fait de venir de bonne heure hier, mon petit bien-aimé. Il y avait bien longtemps que cette bonne fortune ne m’était arrivéeb. C’est une si grande joie pour moi de te voir que je ne trouve jamais que ce soit assez ; mais je te remercie du fond de l’âme pour le bon petit bout de soirée que tu m’as donné hier. Je vais suivre ton conseil et écrire à Claire. Cette chère enfant devient de jour en jour plus charmante et j’espère que d’ici à très peu de temps elle sera tout à fait une bonne et aimable jeune fille. Elle t’en devra la plus grande et meilleure partie, ce dont elle est bien convaincue maintenant. Quant à moi, je te dois tout. C’est une reconnaissance de tous les instants de ma vie. Outre l’amour et l’adoration que j’ai pour toi, je serais bien heureuse si je pouvais donner ma vie pour toi. Tu ne sais pas tu ne sauras jamais peut-être combien tu es aimé de ta pauvre Juju.
J’espère que je te verrai tout à l’heure, mon petit homme chéri, rien que le temps de te voir entrer et sortir suffit pour me donner du courage pour toute la journée. Tu as oublié ta cravatec noire cette nuit. Je suppose que tu en auras une autre. D’ailleurs Toto second [2] et Charlot ne sont pas des turcs et te prêteront bien la leur. Je t’attends et je t’aime comme toujours.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 135-136
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « serve ».
b) « arrivé ».
c) « cravatte ».


10 décembre [1844], mardi soir, 5 h. ¾

Je ne suis pas fâchée, mon Toto je ne suis même pas grognon, ô Miracle ! Je te fais seulement remarquera que je ne sors pas de mon trou et que je finirai par perdre l’usage de mes jambes, voilà tout. Du reste, quand tu voudras, quand tu pourras tu me feras sortir, à ton aise, pourvu que ce ne soit ni à onze heures du soir ni à une heure du matin. Voilà mon programme. Trop heureuse qu’il vous plaise de m’avoir un instant à vos sacrés pieds.
J’ai payé Granger tantôt. Je vais donner tout à l’heure 6 F pour renouvelerb les 2 reconnaissances montant ensemble à 62 F. plus le blanchissage d’aujourd’hui et je reserai sans le sou si vous ne voulez pas que je prenne l’argent du mois de Suzanne. Demain j’aurai du liquide à acheter pour 8 F. Je te dis ces jolies choses-là parce que tu le veux et qu’il faut d’ailleurs que je t’avertisse pour que tu ne te trouves pas pris de court. Je n’ai pas d’Eulalie. Je ne sais pas quand elle viendra. Si tu penses avoir besoin de ta cravate très prochainement, dis-le-moi et je la ferai blanchir au bout de ma rue. Il faudra que je pense à te le demander ce soir. Tu m’as dit aussi de te faire penser à demander à Varin si le Dumouchel de l’Hôtel de Ville était le sien. Je te le rappelle parce que le temps approche où nous allons en avoir besoin [3]. Il faut bien que tu nous couvresc de ta protection : autant elle qu’une AUTRE. Moi je m’en fiche de votre protection. C’est moi qui vous EXAMINERAI de la tête aux pieds et à la première faute d’orthographe je vous ficherai des bons coups dans le nez. En attendant tâchez de marcher droit et de ne pas vous épater sur votre ACADÉMICIEN [4]. Je vous attends avec toutes sortes d’impatiences plus pressantes les unes que les autres.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 137-138
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « remarqué ».
b) « renouveller ».
c) « couvre ».

Notes

[1Robe de chambre.

[2Juliette nomme ainsi François-Victor Hugo.

[3Claire Pradier passera plusieurs fois sans succès l’examen pour devenir institutrice.

[4À élucider.

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