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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er décembre 1844

1er décembre [1844], dimanche matin, 9 h. ½

Bonjour, mon petit Toto bien-aimé, bonjour, mon cher amour ravissant, bonjour, mon Toto, bonjour, je t’aime. On dit qu’il fait bien froid et bien vilain ce matin. Qu’il tombe de la neige. Si cela est il ne faut pas mettre tes souliers percés : il est inutile de t’enrhumer et de te faire mal aux yeux. Je n’ai pas besoin que tu sois malade, moi. Dis-moi, mon cher bien-aimé, cela ne te déplaît pas que je rie avec toi devant Claire ? Il m’a semblé hier que tu n’étais pas content. Si cela était il faudrait me le dire naïvement et je ne le ferais plus. C’est pour répondre gaiement à tes provocantes et charmantes taquineries, ce que j’en fais et ce que je laisse faire à Claire, mais il ne faudrait pas que tu te méprennes sur ces grosses jovialités. Au reste, si tu pouvais entendre ce que je dis quand tu n’es pas là de ta bonté, de ta générosité, de ton dévouement, de toutes les sublimes et divines perfections qui te distinguent des autres hommes, tu serais bien heureux et bien fier, tout grand que tu es, d’être admiré et compris par une âme comme la mienne. Cependant, mon Toto, si cela te contrarie que je réponde à tes agressions, dis-le-moi et je ne le ferai plus qu’entre nous deux. Avant tout je ne veux pas te déplaire. D’ailleurs ce genre de plaisanterie ne me convient que médiocrement et si je suivais mon penchant et mon besoin ce serait à tes genoux et les mains jointes que je te parlerais. Aussi, je te le répète, mon Toto, pour peu que cela t’ennuie dis-le-moi et il n’en sera jamais plus question. En attendant, je t’aime et je baise ton grand front et ta petite main.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 111-112
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
[Souchon, Massin]


1er décembre [1844], dimanche après-midi, 3 h. ½

Je sais que ce n’est pas le mauvais temps qui t’empêche de venir, mon cher bien-aimé, aussi n’est-ce pas à lui que je m’en prends de ne t’avoir pas encore vu de la journée. Je serais plus tentée de me révolter contre ton travail si cela pouvait me consoler du chagrin de ne pas te voir. Mais, loin de là, je tâche de trouver de la douceur et de la résignation en pensant que dans cette privation et cette souffrance de chaque jour je te donne la mesure et la preuve du plus grand amour qui ait jamais existé. Ô oui c’est bien vrai, mon sublime bien-aimé, mon amour est aussi grand que ton génie. Le bon Dieu qui voit et qui connaît les cœurs le sait bien, lui. Je me suis parée pour toi, pour toi seul quoique ce soit dimanche. D’ailleurs tu sais que mes petites péronnelles [1] ne viendront pas. Justement voici qu’on sonne. Je crois que c’est Clémentine. Je ne m’étais pas trompée, elle vient me demander à dîner puis elle est repartie chez sa mère. Mais je vous prie de croire, mon amour, que ce n’est pas pour plaire à Clémentine ni à personne au monde autre que vous que j’ai mis ma belle robe. Cher petit homme adoré, si tu pouvais venir je serais heureuse la plus heureuse des femmes. Tandis que, quoi que je fasse, je n’en peux être que la plus résignée et la plus courageuse sans toi. À bientôt mon amour, je l’espère et je le désire autant que je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 113-114
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

Notes

[1Par ce terme affectueux Juliette désigne habituellement, quand ce n’est pas sa fille Claire, Louise et Julie Rivière, nièces d’Eulalie et de Joséphine. et amies de Claire.

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