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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 novembre [1844], lundi matin, 10 h. ½

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon ravissant petit Toto, bonjour toi, bonjour vous baisez-moi. Quand allez-vous chez M. Molé ? Je voudrais que ce fût tout de suite parce qu’il doit m’en revenir une bonne petite matinée et qu’il y a bien longtemps que cela ne m’est arrivé. Aussi je te presse le plus que je peux de tenir ta promesse envers ce vieux politique, non par générosité pour lui, mais dans mon propre intérêt.
Je suis effrayée, mon Toto, quand je pense au travail que tu vas avoir à faire d’ici à quinze jours. S’il faut que je te voie encore moins qu’à présent je ne sais pas ce que je deviendrai. Je ferai probablement comme ce cheval à qui on diminuait sa ration tous les jours et qui s’est avisé de mourir au moment où il s’habituait à ne plus manger du tout. Enfin je ferai ce que je pourrai pour résister de mon mieux à ce régime débilitant. En attendant je t’aime et je te désire.
J’ai reçu une bonne petite lettre de ma fille ce matin. Elle te prie de m’y conduire aujourd’hui si tu peux en l’honneur de la sainte Catherine. Moi qui sais combien tu as à faire je ne te le demande pas pour aujourd’hui mais je te prie d’arranger ton travail de manière à m’y conduire le plus tôt possible pour que je m’entende avec Mme Marre sur les heures de travail à donner à ma fille. Ceci est très important, mon cher amour, et je compte sur ton obligeance pour m’y conduire avant le mois de janvier. Je t’aime, je t’adore je te baise.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 91-92
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette


25 novembre [1844], lundi soir, 4 h. ½

Je t’écris au coin de mon feu et toute seule dans ma maison, mon cher bien-aimé, ma serventre m’ayant demandé la permission d’aller communiquer à sa cousine une lettre du Pays. Je n’ai pas besoin de te dire que ce n’est pas son absence que je déplore mais une autre beaucoup trop prolongée et beaucoup trop quotidienne. Celle-là me tient au cœur plus que je ne pourrais dire. Je sais mon pauvre ange que tu ne le peux pas, aussi je n’ai aucune mauvaise humeur, je n’ai qu’un redoublement d’amour. Quand tu viendras je te sourirai et tu ne pourras pas t’apercevoir que j’ai souffert toute la journée. Je t’ai fait une petite provision de cent poires de Crassanne parmi lesquelles il y en a de microscopiques. J’espère pourtant qu’elles seront toutes bonnes. J’ai acheté aussi 10 livres d’huile à brûler, ce qui a achevé de mettre à sec les parapluies [1]. Bien entendu que l’argent de Dabat est entier. Mais j’y songe, mon amour, peut-être seras-tu allé aujourd’hui chez M. Molé ? Si cela est il faut que je prenne ma patience et mon courage à deux mains au vu du bonheur qui m’attend la nuit prochaine. Ça ne serait pas impossible à la rigueur et puisqu’il faut que cette chose ait lieu, autant vaut que ce soit aujourd’hui qu’un autre jour. Seulement, tu aurais dû venir m’embrasser avant de partir. Tu ne sais pas combien un baiser de toi me donne de force et de résignation. Enfin, mon Victor adoré, où que tu sois, à quelque heure que tu viennes tu es le bien-aimé de mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 93-94
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

Notes

[1Juliette a dû dépenser pour ces achats l’argent qu’elle gardait pour acheter des parapluies pour elle et sa fille Claire, celui de Claire étant son cadeau d’étrennes de janvier 1844 ! (voir la lettre du 21 novembre au matin.)

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