Paris, 25 avril [18]79, vendredi midi
J’arrive bien tard à toi, mon grand bien-aimé, mais ce n’est pas faute de penser à toi et de t’aimer de toutes les forces de mon cœur et de mon âme. Malheureusement il s’ajoute à ma préoccupationa tendre et permanente les mille choses insipides du ménage et de la vie. Ce matin il m’a fallu donner audience au plombier de Mme de Nar [1] pour la toilette, à Mariette pour les dépenses qu’elle avaitb faites personnellement, à la cuisinière très prolixe dans sa dépense et dans ses paroles, puis, enfin, un travail de révision dans ma monumentale et unique armoire pour y faire, à l’instar de feu Caussidière [2], de l’ordre avec le désordre inévitable des choses diverses qui s’y entassent pêle-mêlec. Tout cela, mon adoré, m’a amenée jusqu’à présent sans avoir pris le temps de te dire ce que j’ai de plus important et de plus pressé à te dire à tous les instants de ma vie : que je t’aime, que je t’admire, que je te vénère et que je t’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF, 16400, f. 111
Transcription de Chantal Brière
a) « préocupation ».
b) « avaient ».
c) « pêlent-mêlent ».