19 avril 1879

[Paris], 19 avril [18]79, samedi matin, 10 h.

Cher bien-aimé, j’hésite à t’écrire tant j’ai le cœur triste. Je m’en veux de ne savoir pas mieux dompter un bobo, peu intéressant en lui-même, mais bien méchant cependant. Cette contradiction entre le peu d’importance de mon mal et les cruelles douleurs qui en résultent, loin de me calmer, m’exaspère au-delà de la raison. Je t’en demande, pardon c’est tout ce que je puis faire tant que je serai en proie à cette torture abominable qui persiste loin de diminuer. Je me suis levée, cependant, ainsi que tu l’as vu et je ferai tout mon possible pour rester debout toute la journée. Dans le cas où je serais tout à fait hors de service je te prie de ne pas m’en vouloir et d’être néanmoins très tranquille et très gai ce soir. Je te supplie aussi de faire ta promenade accoutumée sans moi au cas où il me serait tout à fait impossible de t’accompagner. Je t’aime.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF, 16400, f. 105
Transcription de Chantal Brière