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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 21 août 1858, samedi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon pauvre bien-aimé, bonjour, clopin clopant, puisque ta méchante jambe s’obstine à ne pas vouloir guérir tout à fait. Je ne savais que penser hier pendant les deux heures et demie que je t’ai attendu. Mon inquiétude surexcitée encore par l’abstention de Quesnard qui devait, disait-il, revenir tout de suite me dire le motif du retard de ta visite accoutumée, m’a tout à fait détraquée et ce matin je m’en ressens encore assez pour ne savoir que faire de ma stupide personne. Peut-être le déjeuner fera-t-il diversion, mais ce qui serait ma vraie panacée aujourd’hui, cea serait que ta jambe soit tout à fait guérie. Je le désire à ce double point de vue égoïste sans oser y compter car voilà bien des jours qu’elle trompe mes espérances. Je suis allée hier au soir chez les Préveraud leur porter mon quarteron de prunes mais surtout remercier la petite femme de toutes ses gracieuses complaisances. Puis je suis partie de chez eux à 9 h. ½ après y être restée une heure environ. Préveraud m’a reconduiteb jusqu’à l’entrée de la rue des Escaliers mais je suis revenue par la rue Pedevin. Je suis passée sous tes fenêtres ; on jouait au billard, je t’ai envoyé un bonsoir de la pensée et du cœur, il était 10 heures juste en entrant dans ma chambre ; je me suis couchée ; j’ai pensé à toi ; je t’ai aimé ; j’ai passé une mauvaise nuit et voilà mon ODYSSEE.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16379, f. 242
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette

a) « se ».
b) « reconduit ».


Guernesey, 21 août 1858, samedi soir, 8 h.

Je suis frileuse et souffrante ce soir, mon cher bien-aimé, aussi vais-je aller me coucher dès que je t’aurai donné mon âme à garder, ou plutôt pour qu’elle te garde, ce qui est plus juste et ce qui est la seconde partie de ses attributions dont la première est de t’aimer. Je suis triste de la persistance presque inexplicable de l’inflammation de ta jambe [1] sans pourtant en être sérieusement inquiète ; mais te savoir depuis si longtemps souffrant sans pouvoir doubler le cap guérison est une chose douloureuse et agaçante pour moi qui attends après ta santé pour me faire de la joie et du bonheur. Je crains que tu n’aies pris trop vivement les petites contrariétés de ces derniers jours et que ce ne soit là la cause du temps d’arrêt de ta convalescence. Je te supplie, mon bien-aimé, d’avoir la plus grande patience pour tous les petits inconvénients presque inévitables de la présence des animaux domestiques dans les appartements. L’important est de te guérir bien vite. Les toutous et les toutoutes de ton goum se civiliseront après si cela se peut mais ta santé, ta santé, ta santé, voilà ce qu’il est nécessaire d’avoir tout de suite. Voici mon gribouillage de chiens et de chat fini au moment où je voudrais recommencer mes tendresses. Dors bien, mon adoré.

BnF, Mss, NAF 16379, f. 243
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Victor Hugo n’est pas encore guéri, comme le signale François-Victor à Alfred Asseline dans une lettre datant du 22 août : « La maladie n’est pas encore absolument terminée… La plaie immense qui couvrait toute la largeur du dos n’est pas encore tout à fait fermée. Le gonflement des jambes n’a pas sensiblement diminué. » (CFL, t. X, p. 1575).

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