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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 octobre [1844], jeudi soir, 5 h. ½

Je t’aime, mon Toto, je ne te le dis pas pour te l’apprendre mais pour me faire le plaisir à moi-même. Il me semble, quand j’écris ou que je prononce ces mots : je t’aime, que je te caresse de l’âme. C’est pour cela que je saisis toutes les occasions de dire ou d’écrire ces deux mots si doux : je t’aime. Si j’avais cent bouches, je les emploierais toutes à ne dire que cela. Si j’avais cent mains droites, elles seraient toujours occupées à t’écrire ces deux uniques mots. Si on pouvait avoir cent éternités, je les passerais toutes les cents à répéter ces deux mots sous toutes les formes.
Quand te verrai-je, mon Toto chéri ? Voici déjà la nuit. Je serais bien heureuse si elle pouvait hâter ton retour. Je pense que tu es allé à l’Académie mais tu dois être libre maintenant. N’oublie pas que je t’attends, mon Victor adoré, et que tu es mon amour et ma joie.
Suzanne est allée porter les paquets de Claire. Du reste, elle a mis de l’eau dans son vin en attendant qu’elle en mette dans mon jardin. Tout est donc pour le mieux.
Je ne t’ai pas attendu depuis hier pour payer Suzanne et pour faire ma dépense. Je te dirai, mon Toto, que j’ai déjà pris 80 F. sur ton argent et qu’il ne m’en reste pas un sou. Je t’en préviens pour que tu te hâtes de l’emporter de chez moi. Hélas ! je voudrais bien que ce fût là le vrai remède contre les dépenses, c’est-à-dire les besoins de toutes sortes qui se multiplient et renaissent avec une vitesse et une facilité effrayantes.
Voilà, mon cher petit homme adoré, où en esta ta pauvre Juju. Elle ne demanderait pas mieux que d’avoir cent mille livres de rentes quitte à les partager avec toi. Voime, voime, ça serait dur cependant, mais enfin, on s’y résignerait en vue du prix Montyonb [1]. Pourquoi faut-il qu’il s’en manque de si peu pour compléterc la somme ? C’est vexant. J’ai bien besoin de vous voir pour me faire avaler cette piluled du diable [2]. Dépêchez-vous de venir, je vous en pris, je vous en supplie, mon cher petit.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 209-210
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « es ».
b) « Monthyon ».
c) « completter ».
d) « pillule ».

Notes

[1Le prix Montyon est un ensemble de trois prix décernés par l’Académie française et l’Académie des sciences.

[2Les Pilules du diable est une pièce féerie en trois actes et vingt tableaux de MM. Ferdinand Laloue, Anicet-Bourgeois et Clément Philippe, Lauren. Elle fut représentée pour la première fois le 16 février 1839.

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