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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 août [1844], samedi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon Toto adoré, bonjour, mon cher petit homme ravissant, comment que ça va ce matin ? As-tu bien dormi cette nuit ? C’est-à-dire as tu pris quelque repos ? Car je sais trop bien que tu ne dors jamais une nuit entière.
Il fait bien beau, mon cher bien-aimé, et j’en suis bien contente pour toi parce que cela favorise ton travail et que tu peux marcher devant toi au soleil. Je ne demande pas à t’accompagner, ce n’est pas l’envie qui m’en manque, mais je sais que cela ne se peut pas et je me résigne le plus mal que je peux à cette triste nécessité.
C’est tantôt que j’attends ma grande Péronnelle [1]. Je me réjouis de son bonheur. Cette chère enfant est maintenant heureuse dès qu’elle est sous notre toit. Cependant elle n’a aucune distraction, aucun plaisir extérieur. Tout son bonheur c’est donc bien d’être avec nous. Je compte faire avec elle un petit règlement pour distribuer les heures de la journée utilement. Je te demanderai de nous aider de tes conseils. Tu sais, mon cher adoré, que je ne peux rien faire sans toi, les plus petites comme les plus grandes choses. Tu es ma pensée, ma vie, mon âme, j’habite et je vis en toi.
Jour Toto, jour mon cher petit o. Est-ce que vous n’avez rien à COPIRE ? Je crois que vous me flouez et que vous donnez votre pratique à d’autre. Prenez garde à vous car je vous grifferais.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 113-114
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette


31 août [1844], samedi soir, 5 h.

Quelle belle journée, mon cher bien-aimé, et quel regret elle me laisse dans le cœur ! Quand je pense que nous pourrions être ensemble dans quelque coin bien ignoré, bien tranquille et que nous pourrionsa nous aimer sans contrainte sous ce beau ciel au lieu de vivre chacun de notre côté, je me sens prête à pleurer. J’ai besoin de rassembler tout mon courage et toute ma raison pour ne pas être injuste et méchante envers tout le monde. Mon Victor bien aimé, en quelque lieu que tu sois, je t’envoie mon âme dans un baiser. Je suis tes pas, je baise l’empreinte de tes chers petits pieds, je t’aime, je t’adore, tu es mon Victor sublime et divin. Tâche de venir bientôt, mon Victor bien aimé, cela me donnera de la patience, de la résignation et du bonheur pour attendre jusqu’à ce soir l’heure à laquelle tu pourras revenir.
Claire n’est pas encore venue. Je suppose qu’elle aura été chez son père. J’aime autant cela puisqu’ilb faudrait toujours se déranger un autre jour pour l’y conduire.
La pauvre Péronnelle va être bien contente de s’installer ici pour un mois. Pauvre enfant, cela prouve qu’elle nous aime bien véritablement. Puisse-t-elle nous préférer longtemps à toutes les autres affections. C’est ma prière de tous les jours car quel quec soit le sort qui l’attende, elle ne sera jamais plus heureuse qu’à présent et moi je ne t’aimerai jamais plus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 115-116
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « pourions ».
b) « puisque qu’il ».
c) « quelque ».

Notes

[1Claire.

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