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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 août [1844], lundi matin, 11 h. ½

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, mon cher adoré, bonjour mon Toto doux et bon, bonjour, je t’aime. J’espère que tu auras été quitte pour une petite admonition paternelle à ton gros Charlot et qu’à l’heure qu’il est tous vos pauvres cœurs sont déchargés de l’affreux poids de punir. Il vaut encore mieux pardonnera, de toute façon, le résultat en est meilleur et notre pauvre Charlot sera trop puni déjà de la pensée de t’avoir affligé.
J’ai été voir enfin ce rez-de-chaussée, hélas ! je suis aussi avancée qu’auparavant, parce que je ne me connais pas assez en distribution d’appartement pour me rendre compte du parti qu’on peut tirer de telle ou telle disposition. Il faudra absolument que tu le voies toi-même pour t’en rendre compte.
Je t’ai vu, mon Toto, et je suis toujours à la même place. Je n’ai pas fait un pas depuis. Tant que tu n’auras pas vu ce logement et levéb la difficulté de ma chambre, pour ou contre, je ne pourrai rien conclure avec le propriétaire et avec moi-même. J’ai très mal à la tête, je t’ai à peine vu, je suis contrariée de cette rencontre du propriétaire d’ici : tout cela réunic me rend stupide et incapable de rien comprendre aux choses probablement les plus faciles et les plus simples. Cette affaire est si mal emmanchée que je regrette presque de m’y être fourrée. Enfin, demain ce sera décidé pour ou contre. En attendant, pauvre adoré, je te remercie de ta complaisance et de ta bonté ineffable. Je t’aime, mon Victor, et c’est pour t’aimer encore plus dans la solitude et dans la liberté que je désire avoir un coin tranquille et caché le plus près de toi. Je baise ta ravissante petite bouche.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 97-98
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « pardonné ».
b) « levée ».
c) « réunit ».


26 août [1844], lundi soir, 5 h. ½

Il n’y a plus à penser au jardin, mon pauvre amour ; car dans la cloison qui sépare le salon de la chambre, il y a au milieu une colonne qui va rejoindre la grosse poutre du plafond et qui s’appuie sur un pilier de voûte des caves. C’est avec un cœur bien gros que je m’avoue à moi-même cette impossibilité matérielle. Du reste, un vieillard parfaitement accommodant et facile. Les conditions de loyer étaient 770 F., les frais de vidange et de balayage à la charge du propriétaire. Hélas ! hélas ! hélas ! et trois et quatre cent mille fois hélas ! C’est fini maintenant, il n’y faut plus songer. D’ailleurs, où trouver, à la colonne près, tous les avantages réunis dans un appartement comme ils se trouvaient dans celui-ci ? N’en parlons plus, mon cher bien-aimé. N’en parlons plus si ce n’est pour dire combien tu as été bon et généreux dans toute cette affaire ! Ce n’est pas perdu, va, j’ai dans le cœur des trésors de reconnaissance que ta bonté y a déposés goutte à goutte depuis plus de onze ans. Je t’aime, mon Victor, et je te vénère, et je t’admire, et je t’adore à genoux.
Tu auras sans doute eu à faire toute la journée avec tes éditeurs ? Je n’ai pas la douceur d’espérer que je te verrai avant le dîner.

9 h. ¼

Me revoilà de nouveau avec l’espoir et la crainte que cela réussisse ou que cela ne réussisse pas. Quoi qu’ila arrive, mon cher adoré, je n’oublierai jamais les efforts que tu as faits pour me donner cette joie. Sois béni, mon cher adoré. Sois heureux autant que tu es bon et que tu es aimé par moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 99-100
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « quoiqu’il ».

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