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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 juin 1837

13 juin [1837], mardi matin, 10 h. ¼

Je t’aurais écrit beaucoup plus tôt, mon cher petit homme, si vous m’aviez laissé une seule petite feuille de papier. Il est vrai que ce que j’ai à vous dire, vous le savez aussi bien que moi et que je pourrais épargner cette peine à vos pauvres chers beaux yeux. Je vous aime, c’est si vieux que vous n’y faites plus attention. Je suis triste de ne pas vous voir, c’est si habituel que vous ne comprenez pas que vous ayez été autrement avec moi. Ainsi vous voyez, mon cher bien-aimé, que je pourrais me dispenser de vous écrire. Ce serait tout à la fois une peine de moins pour vous et une économie dans notre maison. N’est-ce pas que c’est vrai ? Si tu ne viens pas assez tôt pour que j’aille chercher Claire, je l’emmènerai prendre par la bonne. Il ne faut pas que cette pauvre petite pâtisse de nos façons d’être depuis bien longtemps. Je ne te dis pas cela à titre de reproche. Je sais bien que tu travailles comme un pauvre chien. Je te le dis parce que je suis triste et que ce n’est pas ma faute. J’ai rêvé de toi toute la nuit, ce qui ne m’empêche pas d’être un peu souffrante ce matin. Décidément la machine se détraque et un beau jour elle fera patatraque. Alors vous commencerez à vous apercevoira qu’il n’y avait qu’une Juju au monde capable de vous aimer comme moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 293-294
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « appercevoir ».


13 juin [1837], mardi soir, 9 h.

Cher petit homme, je vous aime. Je vous aime, je vous aime. Il y a aussi des éclairs dans mon cœur mais ce sont des éclairs de châleur [1] sans orage. À présent qu’il fait très laid et très vilain, je n’espère plus vous voir avant minuit. C’est cependant bien barbare car enfin ce n’est pas ma faute s’il ne fait pas beau. J’ai à côté de moi une petite jaboteuse qui me bourdonne aux oreilles sans que j’entende un seul mot autre que celui-ci : mon Toto je t’aime, mon Toto je t’adore, mon Toto tu es ma joie, mon Toto tu es ma vie, mon Toto tu es mon espoir. J’espère que tu auras trouvé ton monde bien portant. Quanta à moi, cette course m’a fait du bien. Je suis rentrée chez moi avec une chemise à tordre, et depuis ce temps-là il me semble que je vais mieux. Que serait-ce donc si nous courions les champs ? Soir mon petit Toto. J’ai le cœur plein d’amour et de toutes sortes de sentiments ineffables pour vous. Aimez-moi un peu et venez plus tôt que je ne vous attends, c’est-à-dire avant minuit. Je vous baiserai bien pour la peine. Je t’aime mon grand Victor.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 295-296
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « quand ».

Notes

[1L’accent circonflexe est volontaire. Il marque une fermeture et un allongement expressifs de la voyelle.

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