11 janvier 1879

Paris, 11 janvier [18]79, samedi matin, 8 h.

Brrrrjour, mon grand petit homme, je t’adore, mais quel temps ! Les arbres sont tout blancs et les nez tout rouges. Ce contraste, au point de vue de la couleur, fait très bien mais pas à celui de la chaleur, brrr quel froid ! C’est le cas de rester enfoncé^a sous tes couvertures toute la matinée pendant que j’écosse tes lettres et tes cartes de visites et que je vois la neige et le givre tomber. À ce propos, je te dirai que j’ai retrouvé à part la lettre de M^me Chenay avec celles de M^mes Edgard Quinet, Angèle Magnin [1]…et autres, comme dirait le bon Lesclide je les tiens à ta disposition pour t’en faire une scie à vif. Autre guitare, une gentille petite carte : Cosette-Cécile Daubray artiste dramatique [2]. Si je l’avais vue^b je lui aurais donné deux sacs de bonbons, un pour toi et un pour moi que je tiens en réserve pour ces occasions-là. J’espère qu’elle reviendra avec sa mère. Tout cela ne me dit pas comment tu as passé la nuit, ce qui m’intéresse plus que tout le reste. En attendant que ta porte soit ouverte je vais compter avec ta cuisinière pour avoir le droit de te demander de l’argent. À propos Schœlcher ne revient plus le samedi. Est-ce qu’il attend pour reprendre ce jour que tu l’invites à nouveau ? That is the question ? Moi je n’ai pas besoin que tu m’invites à t’aimer, je le fais d’office quand même, partout et toujours.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 11
Transcription de Chantal Brière

a) « enfoncer ».
b) « vu ».