Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1845 > Mars > 17

17 mars 1845

17 mars [1845], lundi après-midi, 1 h.

Tu viendras dîner avec moi ce soir, mon Toto, cet espoir ferme la porte aux plaintes et aux regrets pour ton absence passée. Cependant ce n’est pas beaucoup de dîner avec moi tout sèchement et de t’en aller tout de suite après. Dans les rares moments que tu me donnesa, il y a toujours une sorte de restriction affligeante. On dirait que tu as promis à quelqu’un ou à toi-même de ne jamais me donner plus d’une heure au maximuM. Voilà bien longtemps que cet état dure sans que j’en puisse prévoir la fin. Cependant, je te le répète, je ne me reconnais pas le droit de me plaindre aujourd’hui, puisque j’ai la certitude de te voir un moment ce soir.
Je n’ai pas encore commencé de copier, je vais m’y mettre tout de suite. Mais avant toute chose, je tenais à te gribouiller cette grande feuille de papierb.
Je suis très contente, par comparaison avec les jours, les soirs et les nuits où je n’ai rien, hélas !, de te donner à dîner ce soir. Autrefois, le dîner avait une queue. Maintenant il n’a plus rien du tout et pourtant je suis contente. Il faut que je sois contente, eh bien ! je serai contente. Jour, Toto, jour, mon cher petit o, je vous aime.
Je t’ai fait faire de l’eau de miel et je n’ai pas pensé à t’en faire boire quand tu es venu. Cela tient à ce que tu as toujours l’air de courir après la diligence. Je n’ai pas le temps de te voir, à plus forte raison de te parler, c’est à grand peine si j’attrapec un baiser au vol. Vraiment, c’est une drôle d’existence que la mienne. Pour un peu, je pousserais d’affreux cris, mais je ne le veux pas, je ne le dois pas parce que tu es mon pauvre ange bien aimé surchargé et accablé d’affaires de toute sorte, parce que tu viens ce soir, parce que je suis très heureuse, parce que, parce que, parce que je ne veux pas être une vieille méchante injuste et ingrate. Baisez-moi et tâchez de venir avant sept heures, que j’aie le temps de te voir, mon bien-aimé, et de te dire que tu es ma vie, ma joie, mon âme, mon bonheur et mon tout.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 199-200
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu me donne ».
b) Le format du papier à lettre est plus grand qu’habituellement.
c) « j’attrappe ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne