15 juin 1858

Guernesey, 15 juin 1858, mercredi matin, 8 h.

Bonjour, mon pauvre petit mal assis, bonjour, mon pauvre incloué [1], bonjour, je t’aime, comment vas-tu ce matin ? As-tu passé une bonne nuit ? J’espère que oui. J’espère encore que le changement de temps, loin de nuire à tes bobos, ne pourra que leur être favorable et que tu souffriras moins aujourd’hui qu’hier. Il faut bien d’ailleurs que cette guérison si longtemps attendue^a et si courageusement méritée, finisse par arriver. Du reste, ce n’est pas la patience qui te manque, mon ineffable bien-aimé, car il est impossible de souffrir avec plus de douceur et de sérénité depuis trois grands mois. Quant à moi, je suis loin d’avoir ta résignation et chacune de tes souffrances me cause une irritation et une impatience que j’ai bien de la peine à contenir. Cependant, j’espère que nous touchons au terme désiré où tu n’auras plus besoin de ton courage et où je pourrai laisser reposer mon impatience. Jusque-là, je te recommande beaucoup de prudence et d’attention dans ton régime qui influe plus que tu ne crois sur l’état de tes plaies. Pour aujourd’hui, je suis presque sûre que tu seras bien TRAITÉ mais cela ne suffit pas pour te refaire une santé et la maintenir en équilibre. Du reste, il fait un temps bien grognon et bien peu favorable pour dîner dans le lucoot ce soir. Tu en jugeras toi-même et tu décideras en dernier ressort. Quant à moi qui ne sait ni la rime ni la raison, je ne sais que OBÉIR et vous aimer.

BnF, Mss, NAF 16379, f. 127
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette

a) « attendu ».