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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 janvier [1845], mercredi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour, mon cher amour adoré, bonjour, toi, bonjour, vous. Je vous dis que vous êtes mon Toto ravissant. Je le sais bien, peut-être. Comment vas-tu, mon Toto ? Je ne te dis pas où en es-tu ? Parce que tu ne me le dirais pas et que tu me ferais ta bonne lippe significative qui veut dire : « Taisez-vous, vous m’ennuyez  ». Mais cela ne m’empêche pas de désirer bien fort savoir où tu en es et si tu seras prêt sans trop de fatigue au jour dit. Si c’est une indiscrétion, j’en suis très coupable et pas du tout fâchée. J’aime à savoir tout ce que vous faites, surtout quand cela peut te contrarier ou te rendre malade. N’est-ce pas que j’ai raison et que tu me permets de fouiller dans tes poches et de les barbotera jusque dans leurs plus grandes profondeurs ? Je regarde la permission comme accordée et j’en userai, mon petit Toto chéri, sois bien tranquille.
Tu sais que je suis levée et que j’ai très mal à la tête et que je suis de plus en plus patraque. Vraiment je me détérioreb beaucoup. J’ai mal à la gorge, je suis fort mal à mon aise. Cela arrive d’autant mieux que je ne suis plus chez moi et que je ne sais pas quand j’y serai. Enfin il faut se conformer à sa triste destinée mais c’est bien ennuyeux, je t’assure. Tu auras joliment d’arrérages à me payer dans mon nouveau logement. Ne crois pas que je t’en donne quittance avant que tu ne me les aies fidèlement payés avec les intérêts. Des intérêts, des intérêts, des intérêts, des intérêts. Tu sais qu’en amour le capital se double en dix minutes. Ainsi, juge de ce que tu auras à me rembourser ! Cela me fait frémir de joie. En attendant, j’accumule et je thésaurise amour sur amour. C’est un plaisir d’avare quand on est seul à en jouir. Dieu sait que c’est malgré moi et que j’aimerais mieux le partager avec toi que de le mettre dans ma paillasse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 27-28
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « barbotter ».
b) « déterriore ».


8 janvier [1845], mercredi soir, 5 h. ¼

Merci, mon Toto, merci, mon adoré, merci de tes précieux petits morceaux de papier, merci, merci. Tous les chevaliers réunis et tout leur arsenal ne valent pas la barbe de ta plume pour nous défendre. Merci, mon adoré, mon généreux défenseur, merci pour moi et pour toutes les femmes de l’univers. J’espérais que tu serais venu tout à l’heure. Le désir et le besoin que j’ai de te voir me fait trouver de l’espoir là où il n’y a aucune raison d’en avoir, aujourd’hui moins encore que les autres jours puisque tu es occupé et que ton travail est encore plus impérieux que d’habitude. Mais c’est plus fort que moi. Il faut que je t’attende et que je t’espère comme si tu pouvais venir au gré de mon désir et de mon amour.
Aujourd’hui a commencé le premier ennui de : appartement à louer. Presque rien, du reste, deux simples et très discrètes visiteuses qui sont venues pendant que je causais avec Mme Guérard. Je serais trop heureuse si la corvée se bornait à cela tous les jours. Ce que je redoute, ce sont les curieux et les grincheurs qui, sous prétexte de voir des appartements, viennent regarder les gens sous le nez et les dévaliser.
J’ai été interrompue par la petite Lanvin|lien=article565> qui m’a apporté mon linge. Je l’ai reçu, donné et rangé. Maintenant me voici tout à toi. Si tu viens, je ne serai dérangée par rien. Mais si tu viens plus tard, je serai à dîner et tu ne feras encore qu’entrer et sortir, ce qui me fait juste autant de bien au cœur qu’une goutte d’eau sur une barre de fer rouge. Justement, voici Mme Saur..... 8 h. ½. Ô, viens ce soir, mon adoré, que je t’embrasse encore une fois. Je t’en suppliea, mon Toto bien aimé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 29-30
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « je t’en suplie ».

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