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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 avril [1846], jeudi après-midi, 3 h. ¾

Je viens de voir enfin le hideux M. Triger. Il a trouvé la fièvre bien diminuée. Cependant il craint toujours une maladie éruptive, rougeole ou petite vérole. Du reste il m’a prise à part pour me demander s’il n’y aurait pas de chagrin mêlé à tout cela. Je lui ai dit tous ceux que je lui connaissais. Il reviendra demain matin la voir. Jusque là il lui a permis un peu de bouillon de poulet léger et ordonné des cataplasmes sur l’estomac pour tout remède. Voilà, cher adoré, le résultat de la consultation d’aujourd’hui. Tu vois que si elle n’est pas tout à fait satisfaisante, elle n’est pas non plus alarmante. J’espère beaucoup dans le repos qu’elle prendra la nuit prochaine. La nuit dernière l’a beaucoup fatiguée, aussi je compte sur un bon sommeil cette nuit. Cher bien-aimé adoré, mon bon ange, mon amour, sois béni, je t’aime plus que jamais. Je crois que tu as deviné mieux que personne l’origine de la maladie de cette pauvre enfant, tout vient évidemment de la déception de son examen [1]. À cetª âge-là, ce sont de vrais chagrins que ces petits événements désagréables, et ma pauvre péronnelle l’a ressenti plus vivement que tout autre et elle le paie aujourd’hui. Du reste, ces examinateurs n’en sont que plus lâches et plus féroces envers ces pauvres enfants en leur faisant subir leur mauvaise humeur ou leur mauvais vouloir. Quant à moi je souhaite toutes sortes de mauvaise chance aux deux misérables que tu sais [2]. Je vais soigner cette pauvre fillette et la remettre sur pied le plus vite que je pourrai, parce que je sens toute son impatience et tout son ennui d’être clouée dans son lit par le beau temps qu’il fait.
Mme Luthereau a apporté aujourd’hui un chapeau magnifique. Décidément elle tient à payer son dîner et le mien. Je la laisse faire, d’abord parce que je ne peux pas m’y opposer, ensuite parce que je sens qu’à sa place je ferais exactement comme elle. Penses-tu à moi mon doux aimé ? Me plains-tu ? M’aimes-tu ? Me désires-tu et me reraimes-tu ? Moi je t’attends, je te désire, je t’aime, et je te reraimes et je t’adore de toutes mes forces et de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 383-384
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « cette ».

Notes

[1Claire a échoué plusieurs fois à l’examen d’institutrice.

[2M. Barrière et Defrène, les deux examinateurs qui ont recalé Claire.

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