18 mai [1848], jeudi matin, 8 h.
Bonjour réactionnaire, bonjour homme féroce qui mettez votre bonheur à me couvrir de rhumatisme et votre joie à vous moquer, bonjour. Je ne vous reconnais pas pour un bon citoyen et je vous dénonce au gouvernement, à la patrie et à tout l’univers comme le plus montagnarda des [illis.] et le plus blanquiste des Barbès. Maintenant vous connaissez leur sort [1]. Taisez-vous et laissez-moi frotter mes douleurs. Avec tout cela le rappel bat sans interruption depuis une heure. Je ne sais pas ce que cela veut dire mais je ne m’en inquiète pas. Je finis par me blaser sur ce genre d’émotions et je verrais Paris à feu et à sang que je crois que je serais tranquille. À force de paniquesa rentrées, et de venettes [2] comprimées je finis par devenir brave… à la manière des lièvres qui tirent des coups de pistolet. Voime, voime chichi est drès praffe ça vai beur [3]. Que je vous voie dire le contraire vous et vous aurez affaire à moi.
Juliette
MVH, 8088
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux
a) « panique ».
18 mai [1848], jeudi, midi ½
Le temps est hideux cependant si tu veux m’emmener je ne demande pas mieux. J’ai tiré ma vieille casquette de veloursa exprès de son carton pour pouvoir vous accompagner malgré vent et marais [4] et même au besoin je pourrai vous donner séance sous les ombrages frais tant que vous voudrez parce que je m’habillerai pour cela. En attendant je fais tous mes triquemaques et je vous aime à bride abattue. Jour Toto, jour mon cher petit o, je t’aime et je te pardonne toutes tes méchancetés. D’abordb tu m’as promis une culotte très prochainement. Cet espoir suffit pour me donner une grande dose d’indulgence et de générosité. Aussi je te pardonne à droite et à gauche et tant que tu voudras pourvu que la culotte soit au bout de tout cela. Si mon espérance devait être déçue encore une fois il n’y aurait pas de garde nationale, quelque mobile qu’elle soit, qui puisse vous mettre à l’abri de ma juste indignation. De même qu’il n’y aura pas assez de lampions et de feux de joie pour vous témoigner les MIENS et la MIENNE si vous me tenez parole. D’ici là je vous baise [illis.]
Juliette
MVH, 8089
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux
a) « velour ».
b) « Dabord ».