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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 mars [1846], lundi matin, 8 h. ½ 

Bonjour mon Toto bien aimé, bonjour mon Toto chéri, bonjour mon doux amour, bonjour qu’on vous dit ERE [1] que je vous y prenne, polisson, et vous verrez en quoi sont faites mes giflesa. A-t-il crié quand il t’a mordu ? [2] Qu’est ce qu’elle t’a dit ? Voime, voime voilà qui remplacera avantageusement la première question qui commençait à s’user un peu. Dorénavant j’inventerai des conversations intéressantes dans lesquelles j’introduirai plusieurs faits constitutionnels et plusieurs premiers Paris [3], cela ne pourra pas manquer que d’être on ne peut pas plus PIQUANT et satisfaire, je l’espère, votre ardente curiosité. Cher petit homme ravissant, je vous aime, je ris avec vous parce que je vous adore mais je vous assure que j’étranglerai Cocotte si vous ne voulez pas m’en débarrasser. Depuis ce matin elle me fait tourner en chien et à l’hydrophobieb. J’ai la tête trop douloureuse pour supporter sans impatience les cris de cet animal vert. J’attends tantôt Eugénie qui va mettre en train le fauteuil, ce ne sera pas malheureux, Dieu merci. Et jusqu’à ce qu’il soit fait et posé j’aurai le temps d’user mes robes sur les élastiques. C’est égal, on commencera aujourd’hui. J’ai préféré tes armoiries à toute autre chose. Rien ne peut me plaire plus que tout ce qui me rappelle toi si ce n’est toi en personne. Aussi je serais la plus heureuse des femmes si je voyais apparaître ta ravissante petite figure à l’horizon. Quel Bonheur ! [illis]. Ah que je vous voie, baisez-moi.

BnF, Mss, NAF 16362, f. 243-244
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a)« giffles ».
b)« l’ydrophobie ».


9 mars [1846], lundi après-midi, 4 h. ½ 

Où es-tu, mon bien-aimé que je t’envoie mon âme dans ma pensée ? Je t’aime avec le cœur, avec le soleil, avec le printemps, avec les fleurs, je t’aime avec le ciel, avec les étoiles, avec Dieu. Je t’aime dans tout ce que je sens, dans tout ce que je vois, dans tout ce que j’admire et dans tout ce que j’adore. Je t’aime, je t’aime, je t’aime. J’ai le cœur plein de douces choses que je ne peux traduire que par ces mots : je t’aime. J’ai là auprès de moi cette bonne Eugénie qui travaille sans lever les yeux. Elle fait un travail de réduction qui n’est pas des plus facile mais qui économisera 10 F.  de dessin chez [Génévoy  ?] [4]. Seulement je ne pourrai me mêler à ce travail que lorsque le premier modèle sera achevé parce qu’il n’y aura

6 h. 

Interrompu, non par le brouillard mais par la plus nébuleuse et la plus ennuyeuse Féau qui soit au monde. Quand je pense qu’elle m’a encore volé les quelques minutes que j’avais à te voir, je suffoque d’indignation et de rage et je suis capable d’aller chez elle la griffer malgré ses lunettes. Avec tout ça je ne t’ai pas vu et Dieu sait si je te verrai ce soir. Il faut absolument que tu reviennes, mon Victor, je ne me coucherai pas pour être toute fraîche éveillée quand tu viendras. Je te supplie de venir, je t’en prie de toutes mes forces et de tout mon cœur. Je t’aimerai bien, je te baiserai bien, je t’adorerai bien.

BnF, Mss, NAF 16362, f. 245-246
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Allusion à la faute de latin commise dans sa lettre du 7 mars au matin, où elle écrit « ere  » au lieu de « aere  ».

[2L’allusion nous échappe.

[3Premiers Paris : potins mondains.

[4Juliette Drouet tapisse un fauteuil.

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