3 mars 1846

3 mars^a [1846], mardi matin, 9 h. 

Bonjour mon bien-aimé, bonjour mon tendre bien-aimé, bonjour mon doux aimé, bonjour je t’envoie mon âme dans un baiser.
Je te remercie pour tout ce que tu as fait pour cette pauvre enfant et pour tout ce que tu veux faire encore mais peut-être serait-il plus prudent de laisser cette turpitude impunie. Je crains que cela n’aboutisse qu’à de nouvelles infamies. Tu sais ce que c’est que la haine, tu sais qu’elle ne lâche pas pied facilement, du reste fais pour le mieux. Je sens dans ce moment-ci que je suis incapable d’avoir aucune idée autre que celle d’épargner à cette pauvre enfant une trop prochaine mortification. D’ailleurs je doute que M^me Marre consente à écrire cette lettre.
Cher bien-aimé, il est impossible d’être plus doux, plus généreux, plus tendre et plus charmant que tu ne l’as été pour moi et pour ma fille encore cette fois-ci. Je le sens avec tout ce que le bon Dieu m’a donné d’intelligence et de cœur et je t’en admire et t’en aime d’autant plus. Je voudrais qu’il me fût possible de te donner ma vie en une seule fois. Je trouve que ce n’est pas assez de vivre pour t’adorer, je voudrais mourir pour ton service.
Mon Victor, mon doux bien-aimé, mon ravissant petit homme, je baise tes pieds, mon cœur est toujours tourné vers toi dans la joie comme dans l’affliction, il n’y a pas une minute de ma vie pendant laquelle mon amour batte moins fort. Tu es mon adoré bien-aimé que j’attends et que je baise.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 221-222
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « février ».