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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 janvier [1846], lundi matin, 9 h. ¾

Bonjour, vous n’êtes pas honteux ? À votre place je n’oserais plus me montrer, pas même à la Chambre des Pairs, pas même à l’Académie. Comment allez-vous du reste car enfin vous n’êtes pas mort tout entier et on peut encore s’intéresser à vous. Comment avez-vous passé la nuit ? Vous êtes-vous couché en me quittant ? Cher adoré comment vas-tu, as-tu bien dormi au moins ? Je te dis des injures mais au fond je t’adore, tu le sais bien, n’est-ce pas mon adoré petit Toto. D’ailleurs tu reconnais toi-même que je suis dans mon droit en t’accablant des plus amers sarcasmes. Tu sais que tu les mérites tous et tu n’en es pas plus fier pour cela. Baise-moi alors et tais-toi. Moi j’ai passé une très bonne nuit, je n’ai pas toussé une seule fois et ce matin non plus. Je suis très contente d’être débarrassée de mon rhume. Je n’avais pas besoin de lui et il a très bien fait de s’en aller. Jour Toto, jour mon cher petit o. Papa est bien i. Voime, voime mais il faut le dire vite et ne pas regarder au fond. Quand vous verrai-je mon petit homme ? Dans l’espoir que vous viendrez comme hier je vais me hâter de faire tous mes triquemaques pour m’habiller. Il n’est que trop probable que j’en serai pour mes frais, mais enfin je veux essayer encore pour ne pas me faire les mêmes regrets qu’hier. D’ici là je vous embrasse comme je vous aime c’est-à-dire de tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 37-38
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette


12 janvier [1846], lundi après-midi, 4 h. ½

J’étais sûre que j’en serais pour ma peine en me dépêchant de faire mes affaires pour avoir le bonheur de rester avec vous dans le cas où vous viendriez de bonne heure. Depuis bientôt treize ans jamais ces fameuses préméditations ne m’ont réussi, aussi je finirai par y renoncer tout à fait. Pour me venger je viens de vous acheter deux pains de raisin, ce soir vous pourrez faire vos bonnes grosses joues. Où êtes-vous à l’heure qu’il est mon amour ? Il n’y a pas d’académie et je ne sais pas s’il y a Chambre, je ne connais pas encore les jours des séances publiques. Il faudra pourtant que je me mette au fait de ces histoires-là. Je voudrais bien aussi aller vous voir une fois et plusieurs fois et toujours dans vos beaux atours et votre majesté. Malheureusement je ne peux y aller que seule, ce qui est embarrassant pour une femme. Quoi qu’il en soit je me risquerai pour avoir le plaisir de vous voir. Dieu sait que je ferais des choses plus difficiles que celles-là pour vous voir ne fût-ce qu’une minute. Il faudra que tu me donnes un billet pour la plus prochaine séance, pour demain si c’est possible et en sortant du Luxembourg j’irais chez M. Rivière. Ce petit programme n’est déjà pas si bête et s’il obtient votre approbation je serai très contente. D’ici là je bisque, je rage, je souffle dans mes doigts en vous attendant. Ne vous pressez pas, tâchez de venir le moins vite que vous pourrez puisque vous savez que je me ronge les foies en vous attendant et que je tourne dans mon taudis comme un ours du Jardin des Plantes. Si je vous tenais je vous ficherais des bons coups.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 39-40
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

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