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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 décembre [1847], vendredi matin, 9 h.

Bonjour, mon Toto, bonjour, mon cher petit Toto. Dors-tu ? Si tu es éveillé je t’annonce la nouvelle malencontreuse que tu paraissais craindre hier. Du reste cela vous donnera le temps de reprendre vos ESPRITS et de vous préparer au combat très prochainement. Je vous préviens que l’ennemi ne vous fera pas grâce. Ainsi préparez vos armes les plus affilées et prenez garde qu’elles ne s’ébrèchent en chemin si vous ne voulez pas en être pour votre courte honte. Avec tout cela c’est moi qui suis la plus attrapéea car je suis toute malingre et toute grognon ce matin. De plus il me semble que j’ai le cerveau tout à fait vide. Je n’y retrouve même pas mes stupidités accoutumées. Ce n’est pas un grand dommage, c’est vrai, et il ne me sera pas difficile de remplacer cette perte pour peu que j’y tienne. Pour ce genre de produit il n’y a qu’à se baisser et en prendre. Que faites-vous de votre princesse s’il vous plaît ? Prenez garde que je ne mette à ses trousses et aux vôtres et que je ne vous fasse un petit SPEECH à ma manière. Vous verrez que mes griffes tournent mieux que ma plume et ma langue et que j’ai des ongles POLYGLOTTES parlant et griffant dans tous les idiomes connus et inconnusb. Avec tout cela je crois que J’Y PERDS mais aussi quel rabibochage il me faudra une fois votre gribouillis fini. Toutes les CULOTTES de l’univers n’y suffiront pas. Le tout est d’en arriver là sans découragement et sans ennui. Il le faudra bien pourtant car je suis très décidée à ne pas te tourmenter jusqu’à ce que tu aies fini. J’espère que je me tiendrai parole.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 268-269
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « attrappée ».


3 décembre [1847], vendredi après-midi, 2 h.

Je suis bien blaireuse aujourd’hui, mon Toto, j’en connais le motif et je ne m’en inquiète pas mais j’en subis malgré moi l’influence ce qui me rend encore plus maussade et plus sotte qu’à l’ordinaire. Heureusement que tu vas venir renouvelera l’air et le cours de mon humeur noire tout à l’heure et mettre à la place de toutes ces malingreries de la bonne joie, du bon soleil et du bon amour. Je compte sur toi et je t’attends avec la plus entière confiance. Cependant je ne me dissimule pas qu’il faudra que je donne beaucoup trop de temps à la mère Lanvin sans parler des vilaines PUPILLES. Pauvres gens je ne leur en veux pas seulement ils me prennent le plus clair et le meilleur de mon bonheur en venant chez moi quand tu y es ; ça n’est pas amusant mais jusqu’à présent je ne vois pas comment je puis les en empêcher. Demain probablement j’aurai les petites Rivière à dîner. Je pourrais bien sans doute leur dire que je ne peux pas les recevoir mais outre que cela serait fort dur pour ces pauvres enfants je ne pourrais pas plus tard leur dire de venir. Cette heure qui s’ajoute si commodément à ton travail a l’inconvénient de faire le vide autour de moi et de m’isoler de tout le monde. Ce ne serait que du bonheur si cela durait toujours mais dans quinze jours tout sera changé. Du reste je ne te dis pas cela pour te faire rien modifier à tes nouveaux arrangements, loin de là, je sais bien que tout doit être subordonné à ton travail et je reconnais qu’à tout prendre je suis très favorisée dans ce moment. Toutes mes réflexions ne portent que sur le peu de temps que cela durera. En attendant j’en profite le plus que je peux et je t’aime de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 270-271
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « renouveller ».

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