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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 mars 1843

23 mars [1843], jeudi matin, 7 h. ½

Voici un petit bonjour bien matinal que je t’envoie du fond du cœur, mon cher adoré ; je désire qu’il te trouve profondément endormi et qu’il ne te réveille pas, mon Toto bien-aimé ; tu as tant besoin de repos mon pauvre petit homme que je donnerais tout au monde pour savoir que tu en prends assez pour t’empêcher de te brûler le sang comme tu le fais toutes les nuits.
Je t’écris toutes mes fenêtres ouvertes et mon ménage entièrement fait. Je n’ai pas suivi en cette circonstance et ton exemple et tes leçons. Je me suis levée à cinq heures et demie du matin quoique je fusse très malade, peut-être même à cause de cela car je ne pouvais pas dormir. Cela me rappelle, au malaise près, un jour de départ, hélas ! Je ne vois pas le moindre sac de nuit, pas le plus petit livre de poste, pas la moindre carte d’auberge, pas l’ombre d’une diligence, pas le plus léger nuage de bateaux à vapeur. Je ne vois que le mur de la rue Sainte-Anastase qui verdoie et poudroie [1] sous le soleil le plus charmant. C’est triste, tristissime et j’ai besoin de penser aux Burgraves que je verrai et que j’entendrai ce soir pour ne pas me laisser aller à un véritable désespoir. Il faut espérer que ces misérables crétins trouveront affaire à forte partie ce soir, s’ils essayaient de troubler la représentation. Pour moi, si on pouvait me les mettre sous la griffe, Dieu sait qu’il n’en resterait pas beaucoup d’eux tous et dans très peu de temps encore. J’attends ce soir avec impatience. Je voudrais être plus vieille de toute cette journée pour savoir comment s’est passée la soirée qui va venir. Il me semble que si tes amis ont du cœur ça ne peut que très bien se passer. Nous les verrons à l’œuvre ce soir.
En attendant, je voudrais bien baiser votre belle bouche. Tâchez de me l’apporter le plus tôt que vous pourrez, cela vous sera très facile en allant à l’Académie, car c’est aujourd’hui un de vos jours, je crois ?
J’ai fait mettre à la poste et affranchir la lettre de ce pauvre homme en question. Je désire beaucoup pour lui, sa femme et ses quatre enfants, que tu lui obtiennes un secours du Ministère. Pauvre adoré, malgré toutes les affaires dont tu es accablé, tu trouves moyen de faire du bien à tout le monde. Sois béni, mon adoré, comme tu es aimé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 251-252
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Citation fréquente de Barbe Bleue sous la plume de Juliette.

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