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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 août 1847

10 août [1847], mardi matin, 7 h.

Bonjour, mon Toto, bonjour, mon amour, bonjour mon cher petit maladroit. Je parie que tu auras éparpillé tes Moniteurs [1] [1] tout le long du chemin ? Pour t’épargner cette peine tu peux te dispenser de m’apporter le moniteur que je ne lis pas
MAJOREL [2].
Excepté les rares occasions où tu parles MAJOREL je n’ai jamais lu de lui que cette majuscule signature MAJOREL et quoique cette lecture attachante ne soita pas sans charme, je sens que je l’ai assez pratiquée pour mon bonheur. MAJOREL. Ainsi, mon Toto, tu peux te dispenser d’ici à longtemps de m’apporter ce journal incendiaire MAJOREL. À moins cependant que tu n’aies besoin pour ton plaisir particulier de me saouler à satiété de la rédaction MAJOREL. Auquel cas je me résignerai de mauvaise grâce à m’ingurgiter MAJOREL, jusqu’à ma propre consommation. Je range dans la catégorie du moniteur MAJOREL, les lettres d’ALPHONSE [3] et je te supplie de me les supprimer quand l’occasion s’en présente. Il faut être fort comme toi et pair de France comme plusieurs pour résister à l’usage quotidien des MAJOREL et des Alphonse. Quant à moi je déclare que cette tâche est au-dessus de mon courage MAJOREL. Ce pauvre Fouyou est bien triste et bien à plaindre car il voit s’enfuir les belles soirées sans en profiter. Si j’avais comme toi les moyens de lui en acheter huit d’un coup je n’y résisterais pas. Mais je n’ai pas ces moyens et je subis bien malgré moi le spectacle de son affreuse douleur. Hélas ! Toto je vous baise et je vous aime plus de dix cent mille.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 188-189
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « sois ».


10 août [1847], mardi après-midi, 2 h. ½

Maintenant, mon Toto, que tu as repris ton Jean Tréjean est-ce que tu ne m’en donneras pas quelques petits chapitres à copier tout de suite ? Il y a bien longtemps que j’attends après et il me semble qu’il vaudrait mieux m’en donner pendant que les jours sont encore assez longs que d’attendre l’hiver ? Je te dis cela pour t’y faire penser et pour me faire plaisir dans le cas où tu pourrais faire droit à ma requête. Je ne connais pas de plus douce et de plus charmante occupation que celle de te copier. C’est dommage qu’elle se fasse tant attendre. Cher bien-aimé, mon petit homme, vous poussez trop loin l’art de vous faire désirer en toute chose car cela arrive souvent jusqu’à l’impatience et à la souffrance. C’est demain la fête de ma pauvre fille et je veux aller moi-même lui porter un bouquet [4]. Je serai revenue avant l’heure où tu as l’habitude d’être chez moi ; dans tous les cas je ne pourrais pas tarder et tu trouverais tout ce qu’il te faut pour travailler tout prêt. Cher bien-aimé, mon Victor béni, je ne pense pas que tu t’opposes à cette pieuse démarche qui est pour moi le plus triste et le plus saint des devoirs ? Je te promets d’être raisonnable.
Quand te verrai-je, mon Victor ? Je t’attends avec un redoublement de désir et de tendresse qui me rend les heures encore plus lentes que d’habitude. Tâche de venir le plus vite que tu pourras et que te le permettront ton travail, tes affaires et autres Cogniard [5]. Je t’attends et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 190-191
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
[Souchon]

a) « Cognard ».

Notes

[1Le Moniteur universel, organe de presse officiel du gouvernement, reproduisait fidèlement les débats parlementaires. Victor Hugo l’apportait régulièrement à Juliette. C’est l’un des seuls journaux dont il lui autorisait la lecture.

[2Sans doute s’agit-il de L. Majorel, collaborateur du Moniteur, qui signe de nombreux articles de la rubrique « Intérieur ».

[3À identifier.

[4Claire Pradier est morte le 21 juin 1846, et est enterrée au cimetière de Saint-Mandé.

[5Le 17 août a lieu à la Porte-Saint-Martin la première de La Belle aux cheveux d’or, de Cogniard.

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