11 janvier 1868

Guernesey, 11 janvier [18]68, samedi, 8 h. ½ du m[atin]

Si tu as passé une bonne nuit, comme je l’espère, mon doux adoré, je suis contente et je ne me plains pas de la mienne ; mais si tu n’as pas bien dormi, je me permets d’avouer que cette nuit a été pour moi au nombre des plus mauvaises que j’aie jamais eues^a. Heureusement la voilà passée et ce que j’ai de mieux à faire c’est de l’oublier surtout si tu as bien dormi.
Les journaux avaient annoncé que la plus grande marée de l’année aurait lieu aujourd’hui ; c’est probablement à elle que je dois mon insomnie et mes douleurs aiguës. Mais c’est assez parlé de cet incident qui n’est pas nouveau pour moi et qui ne sera pas le dernier, JE L’ESPÈRE. Kesler a eu bon nez de revenir hier [1] car Dieu sait quand la mer sera bonne. Dans ce moment, les lames sautent par-dessus le quai à la hauteur de ma fenêtre et le vent secoue ma maison à faire craquer toutes ses jointures. Je crois que le packet [2] sera fort en retard en supposant qu’il vienne aujourd’hui. Je connais quelqu’un qui n’en serait pas très fâché, c’est toi et moi, par contre, car je souffre de te voir tous les soirs écrasé sous ta correspondance européenne. Pense à moi. Je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16389, f. 11
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « que j’aie jamais eu ».