Guernesey, 9 juillet 1856, mercredi après-midi, 4 h.
Je suis sous les armes, mon cher petit homme, et je vous attends cœur allumé. Malheureusement, je crains que vous n’ayez beaucoup trop de lucoot à fouetter pour penser à moi avant six heures, ce qui fait que je ne suis point aussi gaillarde que je le serais si j’avais la certitude de vous voir tout à l’heure. J’espère pourtant que mes jambes ne me refuseront pas leur service ce soir et que je pourrais rester avec vous tant que vous voudrez bien me le permettre. En attendant, je retrouve dans mon buvard, à vingt-quatre heures de distance, une vieille restitus desséchée qui ressemble à mon amour d’hier comme une branche morte ressemble à un rameau vert, comme une chenille ressemble à un papillon. Cependant, telle qu’elle est, je vous la laisse pour vous montrer que mon cœur avait tâche de faire son devoir. Vous voilà, quel bonheur ! La suite au numéro prochain.
Juju
Bnf, Mss, NAF 16377, f. 191
Transcription de Mélanie Leclère, assistée de Florence Naugrette