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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 19 janvier [18]71, jeudi soir, 3 h. ¾

Il n’y a rien de nouveau sous le soleil, mon cher bien-aimé, pas plus l’état de siège que mon amour que tu connais aussi bien que moi. Dans cette disette de nouvelles j’ai recours à ma bonne petite réserve qui a nom Petit Georges et Petite Jeanne. C’est une petite source qui ne tarit jamais en gentillesse et en charme, dans laquelle je puise avec joie tous les jours pour toi et pour moi. Tout à l’heure Jeanne me faisait la lecture qu’elle interrompait pour me demander mon avis sur les belles et étonnantes histoires qu’elle lisait. Mais, il n’y a si bonne compagnie qu’il ne faille quitter, disait le roi Dagobert à ses chiens [1]. C’est pourquoi, sur sa demande, on vient de la reporter à sa nourrice. J’étais presque tentée de lui faire manger un des œufs qui sont en réserve mais j’ai craint d’user, sans une absolue nécessité, cet encas suprême dont elle peut avoir plus besoin qu’aujourd’hui pour peu que cet épouvantable état de siège se prolonge encore un peu de temps. Ce matin j’ai fait griller mon pain noir pour me mettre en appétit [2]. Grâce à cet expédient j’ai presque déjeuné. Si je ne craignais pas de faire une trop grosse brèche à notre réserve et aussi de nous encombrer d’ustensiles de ménage, j’irais demain, s’il faisait beau, acheter une théière et du thé pour faire de la soupe… au vin. Cependant j’attendrai encore pour faire cette dépense que mon estomac proteste encore plus énergiquement contre les rigueurs de…notre gargotiera. Je t’aime comme un bœuf.

MLVH Bièvres, 130-8-LAS-VH 36 a, b et c
Transcription de Gérard Pouchain

a) « gargottier ».

Notes

[1Juliette Drouet fait allusion à la tradition populaire selon laquelle le roi Dagobert avant de mourir aurait dit à ses chiens : « Il n’est si bonne compagnie qui ne se sépare. »

[2« On mangeait du pain bis, on mange du pain noir. Le même pour tous. C’est bien. » (Victor Hugo, Carnet, 8 janvier 1871).

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