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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 29 avril 1856, mardi matin, 7 h. ½

Mon cœur déborde d’amour, de reconnaissance et d’admiration, mon cher bien-aimé, mais les mots me manquent pour exprimer tout ce que je ressens. Mon âme va de toi à Dieu et de Dieu à toi dans la même prière. Tout ce quia vit, pense et tressaille en moi te bénit dans ta gloire en ce monde et dans ton bonheur au ciel. Le trop-plein de mon cœur suffirait à remplir le vase d’amour du bon Dieu si jamais il était vide. Je voudrais que chacun de ces mots insignifiants à l’œil et à l’esprit puissent t’apparaître comme ils sont formés dans mon âme et tu verrais chacune de ces petites lettres informes rayonner comme si elles étaient faites d’extase et d’adoration. Je suis comme la pauvre bonne femme qui ne savait pas d’autre prière que : mon Dieu ! mon Dieu ! mon Dieu ! moi je ne peux dire que : je t’aime ! je t’aime ! je t’aime ! Je ne sais pas encore si je pourrai aller voir la maison [1], mon cher petit homme, parce que ma migraine dure encore. Cependant si je suis mieux tantôt j’y essayerai. En attendant je m’absorbe dans ton beau livre et cette contemplation [2] m’éblouit tellement que tout me paraît noir et éteint au dedans et au dehors de moi c’est-à-dire à l’exception de mon amour qui est l’étoile polaire de ma vie. Pense à moi, mon Victor adoré, pendant que je vais t’aimer, t’aimer et t’aimer. Je voudrais être à tantôt pour être plus près de te voir. Je voudrais être morte pour ne plus te quitter. À bientôt, mon grand adoré, mon cœur et mon âme te bénissent au nom de la vie et de la mort, de la femme et de la mère.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16377, f. 131
Transcription de Chantal Brière

a) Juliette note deux fois le pronom « qui ».

Notes

[1Juliette parle-t-elle de la maison au n° 38 de la rue Hauteville que Hugo achètera le 16 mai ou d’un nouveau logement qu’elle souhaite occuper ?

[2Juliette lit le recueil des Contemplations paru le 23 avril 1856.

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