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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 mars 1856

Guernesey, 14 mars 1856, vendredi, 9 h.

Que tu es bon, mon cher bien-aimé, et qu’il est doux de t’adorer. Je passe mon temps depuis ce matin à écouter toutes les ravissantes choses que te dita mon cœur et j’oublie de souffrir. Si j’allais ne plus m’en souvenir du tout, de souffrir, en continuant de t’adorer, QUEL BONHEUR ! Dans ce moment-ci je suis tout à fait mieux et j’espère que ta chère petite présence me guérira tout à fait et que je pourrai enfin passer une bonne vraie nuit dans mon lit. En attendant je me suis matelassée et calfeutréeb dans de la flanelle et j’ai l’air d’une BALLE. Oh ! C’TE BALLE ! mais je m’en BATS L’ŒIL et pourvu que je puisse vous sourire sans douleur tantôt je serai satisfaite. Jusque là je me fiche de mes belles grâces et de ma taille de guêpe. Du reste il fait un temps assez maussade malgré la formidable symphonie de la tempête. Et à ce sujet, mon cher petit DILETTANTE de l’ouragan, je vous recommande de ne pas trop vous exposer aux courants d’air et au froid. Chauffez-vous pour l’amour de moi et ne tentez pas les rhumatismes car ça n’est pas drôle.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16377, f. 87
Transcription de Chantal Brière

a) « dis ».
b) « matelasser et calfeutrer ».


Guernesey, 14 mars 1856, vendredi soir, 5 h.

Je pense à toi, je t’aime et je ne trouve pas le plus petit mot à mettre dans ma RESTITUS tant je suis bête et c’est comme cela tous les jours ce qui n’est pas drôle. Pourtant je suis assise à votre place, je barbotte dans le même encrier mais c’est comme si je chantais, rien ne vient et la stupidité seule montre ses cornes. Mais je n’en démordrai pas, tant pire pour vous ; je suis décidée à couvrir tout ce papier de n’importe quoi quand je devrais mettre toutes mes pattes de mouche en réquisition et leur faire traîner mon âme tant bien que mal jusqu’à vos pieds. Du reste je préférerais aller sur la montagne avec vous même quand vous travaillez que de me livrer à mes élucubrations peu folâtres. Je ne dis rien tant que vous n’êtes pas sorti de vos Contemplations mais une fois le livre paru je m’accroche à vous jour et nuit et encore. D’ici là, je fais de la patience vertu et je regarde passer les petites voiles autour du fort Cornet [1]. Que vous avez été gentil hier (en surcroît de ce que vous êtes toujours) en m’apportant ce charmant petit pot de parfum. Cher bien-aimé, si tu savais combien j’ai été touchée de cette ravissante petite galanterie, cela te donneraita une idée de l’impression que j’éprouve chaque fois que tu me donnes une marque d’attention affectueuse. Mon Victor adoré, je ne t’ai jamais aimé avec plus de vivacité, plus de tendresse et plus de passion que maintenant et il me semble que mon amour rajeunit tous les jours. Je t’aime à plein cœur et par-dessus mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16377, f. 88
Transcription de Chantal Brière

a) « donnerais ».

Notes

[1Le fort Cornet ou château Cornet est situé à l’entrée du port de Saint-Pierre.

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