Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1864 > Juillet > 26

Guernesey, 26 juillet [18]64, mardi, 2 h. après-midi

Je suis vraiment bien honteuse, mon cher petit homme, d’être maussade et blaireuse comme je le suis depuis trop longtemps. Cependant je t’assure que je fais tout mon possible pour me bien porter. Je crois même que j’en fais trop et que c’est là le vrai cercle vicieux de ma santé. Il me semble que le mieux serait de ne plus m’occuper de moi et de laisser tout de côté, le mal et les remèdes jusqu’à ce que la santé, voyant qu’on se passe d’elle, revienne d’autant plus vite. En attendant mon mal de cœur diminue peu à peu et j’espère qu’il sera tout à fait passé à l’heure de la promenade. Jusqu’à présent j’ai lutté avec la soif sans lui céder mais je crains de ne pouvoir pas tenir ma gageure jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à l’heure du dîner. J’ai tant souffert depuis que j’ai bu hier ce verre de gingembre que j’ai peur de tous les liquides. Je n’ose même pas prendre ce que le médecin me conseille, le soda Water, par exemple, mélangé de quelques gouttes de cognac. Tous ces expédients sentent l’Angleterre c’est-à-dire le mal de mer carabiné. Il me semble qu’un verre de limonade ou même de COCO me vaudrait mieux que toutes ces mixtures insulaires. J’ai hâte de me retrouver en pleine terre avec toi. Il me semble que la perspective d’un mois et peut-être deux mois de bonheur parfait avec toi me guérirait de tous mes bobos. Il est vrai que j’ai peu de temps à souffrir d’ici là en supposant que je m’obstine à me mal porter jusqu’au jour de notre départ. Je continue de faire mes préparatifs dans l’espoir que ton petit Toto [1] sera prêta le 10 août. Je viens d’envoyer payer M. Béghin. Vendredi j’essaierai ma robe. Mes chemises de flanelle sont finies. Encore deux ou trois petits raccords dans mes autres Zardes et je serai prête à faire le tour du monde. Cette idée me ravigoteb plus que tous les fils en quatre et que tous les [emportent-gueule  ?] de la pharmacie locale. Mon petit cher Toto si tu m’aimes tout cela n’est rien, au contraire. Moi je t’adore.

BnF Mss, NAF 16385, f. 199.
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « ravigotte ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne