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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 décembre [1838], dimanche, midi ¼

Ainsi que je te l’ai marqué sur un morceau de papier, mon adoré, je suis partie de la maison à 10 h. ½ et revenue à 11 h. 30. J’ai acheté 2 voies de bois tout scié, que je crois bon, une demia-voie de cuisine non scié et 26 margotinsb, le tout jusqu’à présent m’a coûté 10 F. 19 sous. Il me reste encore à payerc le porteur et le sciage. J’avais oublié de payer le mois de la bonne échu le 6, ce qui avec le bois, l’argent de Manière, et les étrennes de Lanvin fait une fameuse brèche à notre pauvre argent. Dieu m’est témoin que ce n’est pas l’argent que je regrette, mais tes pauvres yeux adorés qui sont la lumière et le soleil de mon âme, aussi mon pauvre bien-aimé je serai bien tranquille le jour où tu n’auras plus besoin de passer toutes tes nuits pour moi. Hélas cela arrivera-t-il jamais avec la mauvaise foi et les stupides anicroches qu’on nous jette au passage ? Il y a des moments où j’en doute et où je suis au désespoir, il y en a d’autres où je crois que je sortirai triomphante de cette lutte pénible et ignoble et alors j’ai du courage et de la joie. Aujourd’hui je ne suis ni dans l’un ni dans l’autre de ces moments. Je suis dans mon amour, c’est-à-dire au ciel, oubliant toutes les turpitudes de cette vie pour ne penser qu’à toi si noble et si grand et si bien aimé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 216-217
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Gérard Pouchain

a) « demie ».
b) « margottins ».
c) « à payé ».


9 décembre [1838], dimanche soir, 10 h. ¾

Tout mon monde est parti, mon cher adoré, et je regrette à présent de n’avoir pas su assez à temps que tu viendrais souper avec moi, certainement le plaisir de te servir est ravissant, mais celui de souper [brouter  ?] avec vous est bien plus ravissant encore et je suis très vexée de m’en être privée. Vous avez été bien gentil tantôt. C’est dommage que ce soit quand vous descendiez l’escalier que vous vous mettiez en train. Cependant j’avoue pour n’être pas injuste ni ingrate que vous avez été bien RÉSIGNÉ pour le manchon et bien geai pour la PIÈCE qu’il faut que vous donniez à Mme Pierceau en échange de ses deux [tasses  ?]. Je conviens aussi que vous avez été très bête à l’endroit de l’envoyé de Manière et que vous auriez mérité plusieurs baisers en MANIÈRE de gifles pour vous apprendre à me turlupiner pour de hideux huissiers en retraite. De plus, j’ajoute que vous êtes le plus impertinent des hommes quand vous parlez avec irrévérence des hommages que le facteur de la petite poste m’apporte en almanach de 1839 et vous seriez le plus taquin des Toto si vous n’en étiez le plus aimé et le plus adoré. C’est bête comme tout ce que je te dis là [1] mais c’est la vraie vérité de mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 218-219
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Gérard Pouchain

Notes

[1Réplique de don César au laquais, dans Ruy Blas, acte I, scène 3.

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