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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 octobre [1838], dimanche après-midi, 3 h. ¼

Mon cher petit homme, j’ai bien mal partout. Je voudrais que ce fût pour de bon parce qu’au moins je me soignerais. Je m’ennuie d’être toujours malingre comme ça. J’ai l’esprit tout à fait malade, la cervelle est comme broyée et il me semble que je deviens folle. Cependant mon pauvre bien-aimé je t’aime plus que jamais, et plus que jamais tu es bon pour moi et ravissant. Je crois que c’est un peu de maux de nerfs. Depuis si longtemps je m’agace et je m’irrite horriblement pour nos affaires, de sorte que le moindre petit surcroît d’inquiétude m’exaspère. Je crois que tu as trouvé la bonne manière de répondre à cette hideuse Ribot en ne nous commettant point avec elle. Cependant il ne faut pas négliger la précaution convenue chez toi. Cette femme est tout à fait capable de tout. Maintenant que je me sens un peu soulagée, en grognant et en gémissant outre mesure, donnez-moi votre vie et baisez-moi bien fort.
Vos pots sont très jolis et vous pourriez passer toutes les nuits dans mon lit que je ne vous les rendrais pas, voilà mon opinion.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 43-44
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette


14 octobre [1838], dimanche soir, minuit ¼

J’ai bien du bobo mon Toto, je fais contre fortune bon cœur mais je souffre beaucoup. Je compte sur ta présence adorée pour me ranimer un peu. Je suis asphyxiée, je suis stupide, je suis absurde. Soir mon petit homme, pardonnez-moi d’être si vieille et si mauvaise. Votre couvert est mis mon Toto, je n’attends plus que vous, c’est peu de chose mais c’est tout. J’essaye de rire mais je suis pas en train. Je ne fais qu’une laide et renfrogneuse grimace, c’est pas beaucoup la peine car je ne suis pas amusante comme ça, et ça me coûte beaucoup de peine. Jour mon Toto, Jour mon petit O. Papa est bien i. J’aime papa. Le vent fait un bruit comme sur la mer, parfois on s’y trompe, le vent de la mer souffle dans sa trompe. Moi je souffle dans mon cerveau de toutes mes forces sans réussir à soulever quelque chose qui ressemble à de l’esprit. Je suis bête comme un zoie, il n’y a de spirituel que mon amour, aussi je le mets à toutes les sauces, à toutes les lignes et dans tous les mots.
Je t’aime, je t’aime, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 45-46
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette

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