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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 février [1839], lundi après-midi, [illis.]

Bonjour, mon cher adoré, bonjour, mon petit homme chéri. Comment vas-tu, comment va ta chère petite oreille ? Tu n’es pas venu, mon adoré, je voudrais que ce fût parce que tu aurais pris un peu de repos, non parce que tu aurais travaillé toute la nuit comme un pauvre homme courageux et dévoué jusqu’à l’impossible. Je t’aime, mon Toto. Je ne sais pas comment je suis bâtie mais j’ai toujours la tête lourde et douloureuse. Je ne peux cependant pas me la couper mais j’aurais bien besoin de la changer contre une autre meilleure et plus jolie.
Je suis très contente, mon Toto, que vous ayez trouvé mon dessin de votre goût. Je craignais, n’ayant jamais vu le sujet que je représentais, [de] ne pas réussir et cela pouvait compromettre ma réputation. Enfin mes craintes se sont heureusement dissipées et j’ai la gloire et l’orgueil d’avoir fait un chef-d’œuvre de plus, ajouté à tous les autres. Je vous défends positivement, mon Toto, de faire aucun compromis en mon NOM avec les André Durand, les Châtillon et autres pour faire lithographier à leur profit mes dessins. Je n’ai pas besoin de contribuer à leur fortune. Moi, je ne veux contribuer qu’à votre plaisir et à votre bonheur, c’est bien assez. Sur ce, donnez-moi votre patte que je la baise et venez très tôt mon Toto me la rendre sur les joues, sur les yeux, sur la bouche et partout où vous trouverez [illis.] [illis.] [illis.].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 145-146
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette


Le 11 février [1839], samedi soir, 9 h.

Vous êtes jaloux, vieux bêtaa, et vous vous conduisez comme si vous ne l’étiez pas et même comme si vous ne m’aimiez pas. Je suis furieuse, entendez-vous ? J’avais compté que vous viendriez ce soir et j’ai été obligée de me passer de vous, c’est fort bête et fort [lâche ?]. Le petit garçon a été au septième ciel de son joujoub [1]. Quantc à votre mouton, il est cause qu’on m’aura prised pour une vilaine bête dans l’escalier parce que voulant le dissimuler dans ma poche, je lui ai fait sortir de la gueule plusieurs sons équivoques qu’on a cru qui sortaiente de ma personne et de l’endroit opposé et la preuve, c’est que j’ai rencontré deux individus qui descendaient l’escalier et qui riaient aux éclats. Vous êtes une bête et votre mouton aussi. Voilà ma réputation de civilitésf puériles et honnêtesg compromise et le monsieur à moustaches ne voudra peut-être plus de moi, c’est bien gentil. Mon Toto, vous me devez une fameuse indemnité pour le tort que je viens de me faire. Jour. Tiens, on peut bien rire : nous sommes au carnaval à la chiantlit-lit [2]. Donnez-moi votre bec que je le baise sur toutes les coutures. Vous êtes mon roi, mon Toto, mon mouton, mon bœuf gras et autres. Je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 147-148
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « betat ».
b) « joujoux ».
c) « Quand ».
d) « pris ».
e) « sortait ».
f) « civilitées ».
g) « honnête ».

Notes

[1Enfant à identifier.

[2« Chienlit » ou « chianlit » n’apparaissent pas dans les dictionnaires de l’époque. Seul apparaît « chie-en-lit », terme désignant un personnage de Carnaval dont le postérieur de la chemise de nuit est barbouillé de moutarde. C’est par extension qu’on obtient le sens actuel de « désordre, pagaille ».

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