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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 20 avril [18]73, dimanche, 7 h. ½ du m.

Cher bien-aimé, tu m’as passé sous l’aquilin malgré l’attention profonde de mes yeux et de mon cœur mais je te pardonne car le soleil darde si fort sur ton toit qu’on y cuit rien que de le voir de loin.
J’ai passé une assez bonne nuit ; ma douleur est un peu calmée et le sera tout à fait d’ici à ce soir ; jusque là je vais m’indulger des pieds à la tête pendant que mes femmes seront à la messe ; de ton côté, mon Grand Petit Homme, il faut prendre aussi soin de toi et ne pas travailler comme un pauvre nègre que tu n’es pas ; il faut encore et surtout m’être très fidèle de corps, de cœur et d’âme ; en regards, en paroles et en action. Ma santé, ma vie et mon bonheur, si tu y tiens, dépendent de tout cela à la fois. Moi je ne peux que me laisser faire et t’aimer de toute mon âme dans le bien ou dans le mal.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 108
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette


Guernesey, 20 avril [18]73, dimanche, 3 h. du soir

Je t’aime, je t’aime, je t’aime et je vais très bien en ce moment-ci. Je m’empresse de le constater pour forcer le bobo à fiche son camp une bonne fois pour toutes. Cela est d’autant plus [illis.] pour moi que je vous sais en train de flirter, con amor, avec la trop charmante Miss Juny. Mais méfiez-vous car il n’y a pire Juju que les plus podagres comme moi qui peuvent au besoin jeter leur culagrerie [1] par-dessus votre toit et tomber en plein dans vos criminels marivaudages. Vous êtes averti. Soyez prudent.
Moi pendant ce temps là j’achève de distiller ma vieille goutte pour la faire boire au diable si je peux.
Mes servantes sont en promenades ; Fouyou et moi gardons la maison, ce qui ne me déplaît pas. Tout ce qui n’est pas toi m’est plus qu’indifférent. Aussi quand tu ne peux pas être avec moi je préfère être seule tout à fait. Citoyen ! Prenez garde à vous ! Les oreilles me tintent du mauvais côté et mes jarretières se relâchent de plusieurs crans. Prenez garde à vous, je ne te dis que ça !

BnF, Mss, NAF 16394, f. 109
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Néologisme en forme de mot-valise : “cul” + (pod)“agrerie”.

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