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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 31 mars 1857, mardi après-midi, 3 h.

Vous ne venez plus chez moi que pour me voler ou pour me bousculer, vilain monstre, et vous ne voulez pas encore que je me plaigne ! Fichtre, ça n’est pas tout plaisir ni tout profit que l’honneur de votre connaissance. Il y a déjà longtemps que je m’en suis aperçue pour la première fois ! Ce qui ne m’empêche pas d’avoir la lâcheté de désirer que cela continue jusqu’à la consommation de ma dernière minute et de mon dernier bibelot. Il paraît que vous êtes chez le BANQUIER aujourd’hui et pour longtemps si j’en crois votre barbe neuve et le reste. Moi, pendant ce temps-là, je regarde pousser les roses de mes oignons et j’écoute chanter mes poules ; plaisirs bucoliques, mélancoliques et pacifiques s’il en fut ; Suzanne court après les pissenlits dans l’intention de vous en faire manger demain. Voilà à peu près tout ce que le rayon de ma pensée embrasse, pour le quart d’heure, d’événements et d’horizon, en attendant que mes yeux, que ma bouche, que mon cœur, que mon âme puissent vous couvrir de baisers depuis la tête jusqu’aux pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16378, f. 55
Transcription de Anne-Lise Narvaez assistée de Florence Naugrette

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