1er février 1857

Guernesey, 1^er février 1857, dimanche soir, 5 h. ½

Vous avez disparu de mon horizon en même temps que le soleil, mon cher petit homme, ce qui fait que j’ai tout à la fois l’obscurité dans les yeux et dans l’âme. Cependant je ne me plains pas car vous venez de me donner deux heures splendides qui suffisent pour dorer de bonheur tout le reste de cette journée ; sans compter celles que vous me donnerez encore, d’heures, d’ici à l’extrême soir. En attendant je vous gribouille ma joie à tire de plume et je profite de son affreux bec pour vous demander ce que ma bouche n’ose pas vous demander catégoriquement, de m’arranger mon album. IN PETTO^a le papier souffre ces indiscrétions^b et ce latin digne de l’arsenal des chinois civilisés. Aussi vous voyez que je m’en sers avec une certaine bravoure. Ah ! vous voilà ce qui est encore bien plus charmant.

6 h. ¾

Reviens bien vite, mon cher adoré, pour que j’aie le temps de te voir encore un peu et de te baiser beaucoup avant de me coucher.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16378, f. 26
Transcription de Chantal Brière

a) « IN PETO ».
b) « indiscrétion ».