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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 juillet 1838, mardi matin, 11 h. ¼

Bonjour mon petit bien-aimé, bonjour ma joie, bonjour ma vie, mon âme, mon tout. Je t’ai bien peu vu hier mon adoré, tâche qu’il n’en soit pas de même aujourd’hui car malgré mes efforts j’ai bien peu de courage et de résignation quand il faut ne pas te voir. Le temps est encore mauvais et froid ce matin, ce qui ne contribue pas peu à me rendre maussade et grognon. Il faudrait pour me dérider que vous m’apportassiez vos trois actes aujourd’hui [1] ! Oh ! Alors je pousserais des cris de joie à assourdir toute la rue Sainte -Anastase [2]. Jour mon petit o, jour mon grand To. M’aimez-vous ti ? Pensez-vous à moi ? et voudriez-vous m’avoir auprès de vous sous la table où vous écriveza ? Dites, seriez-vous content ? Vous voyez à l’attitude que je serais très peu bruyante. Ainsi, il ne tiendrait qu’à vous de m’avoir toujours sous vos pieds. Tu vois mon pauvre adoré que je fais tout ce que je peux pour supporter ton absence. J’appelle à mon secours tous les ARTS réunis dans lesquels j’excelle également mais tous mes efforts ne font qu’à me faire sentir davantage mon isolement. J’ai plus besoin de te voir qu’auparavant et je t’aime plus que jamais. Je baise tes petits pieds en désir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 119-120
Transcription de Sandra Glatigny assistée de Gérard Pouchain
[Massin]

a) Autoportrait de Juliette sous une table :

© Bibliothèque Nationale de France

31 juillet [1838], mardi soir, 6 h.

Pense à moi mon pauvre bien-aimé, plains-moi mon cher petit Toto car je souffre au-delà de toute expression. Mon âme me brûle et mon cœur est si gros qu’il ne peut plus tenir dans ma poitrine. Je souffre, je te désire et je t’aime. Je pense que tu tiens à finir ton troisième acte avant de venir me voir [3] et je me berce le plus que je peux avec la douce illusion que tu me les liras tous les trois ce soir. Mais mon Dieu que d’ici là il y a encore longtemps. Je fais ce que je peux pour avoir du courage, c’est bien difficile quand on aime comme je t’aime. Décidément, les gens résignés, courageux et patients sont les indifférents. On ne peut pas aimer d’amour et rester insensible à l’absence. C’est impossible. Quanta à moi qui t’aime comme une insensée, je sais que je souffre le martyre loin de toi, et depuis un an voilà à peu près ce que j’éprouve, si ce n’est quelques rares et courts instants de bonheur qui ne font que mieux ressortir l’aridité et le vide de toutes mes journées. Je suis si triste, si triste que je fais tous mes efforts pour ne pas pleurer à chaudes larmes depuis hier. Ne te fâcheb pas, mon adoré, si tu me trouves ce soir dans cette disposition d’esprit mais aime-moi davantage si tu veux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 121-122
Transcription de Sandra Glatigny assistée de Gérard Pouchain
[Souchon]

a) « quand ».
b) « fâches ».

Notes

[1Hugo terminera l’acte III de Ruy Blas le jour-même.

[2Depuis le 8 mars 1836, Juliette Drouet est installée au 14, rue Sainte-Anastase.

[3Hugo achève le troisième acte de Ruy Blas ce jour-là.

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