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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 mai 1873

Guernesey 20 mai [18]73, mardi, 8 h. du m.

Cher bien-aimé, où en es-tu de ta nuit et de ton talon ? J’ai peur que tu n’aies pas encore bien dormi et que ta méchante petite rougeur ne se soit obstinée à rester, je crains tout cela et en même temps j’espère que tout est comme je le désire : bonne nuit, bon pied et bon amour pour moi. Nous verrons qui l’emportera des deux. En attendant je renonce à l’espoir de voir briller ton Torchon radieux ce matin à cause de la présence du malencontreux bonhomme qui occupe sa place à ta balustrade sous prétexte de peinturlurea. De mon côté, je ne sais où donner du nez, de l’œil et de la tête ; car, soit quoi que je fasse, quoi que je regarde, quoi que je sente, je ne vois que poussière, je ne respire que peinture et j’ai le vertige de l’embêtement tournant à la migraine. Mais je m’en ficherais pas mal si j’étais sûre que tu as bien dormi et que ton pied ne t’occupe plus. Je t’aime.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 148
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette

a) « peinturelure ».


Guernesey 20 mai [18]73, mardi midi

Je n’avais que trop bien deviné, mon pauvre adoré, tu n’as pas encore bien dormi cette nuit. Suzanne pour me consoler m’affirme que tu lui as dit que ta rougeur s’était un peu éteinte ce matin ; est-ce bien vrai ? C’est ce que je saurai tantôt pendant la promenade. Jusque là je prends la permission de te rappeler que c’est demain mon courrier annuel [1]. Tu seras bien gentil de ne pas l’oublier si tu ne veux pas me faire un gros chagrin et à Sainte Julie aussi. Mais tu es si bon que je suis bien tranquille de ce côté-là. Je voudrais pouvoir en dire autant du RESTE [2]. Enfin au petit bonheur ! Qui n’azardea rien n’a rien, comme dit la sage Suzanne. Moi je n’azarde point et je n’en suis pas plus rassurée pour cela.
Il fait un temps exquis aujourd’hui. J’en profite pour t’adorer à âme que veux-tu ? Il est vrai que c’est encore comme ça quand il, le temps, est vilain. Toutesb les températures, tous les temps, tout dans la vie est pour moi le prétexte à t’adorer.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 149
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette

a) Nous conservons ici l’orthographe du manuscrit car il s’agit sans soute d’une erreur volontaire de Juliette qui imite le langage de Suzanne et qui donne un caractère oral au verbe « hasarder ».
b) « toute ».

Notes

[1Hugo écrit une lettre rituelle à Juliette chaque année pour la Sainte Julie.

[2C’est vraisemblablement sur le terrain de la fidélité que Juliette Drouet n’est pas tranquille. Ses soupçons sont fondés.

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