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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 juin 1838

7 juin [1838], jeudi matin, 11 h.

Bonjour petit homme chéri, bonjour mon cher petit BRIGAND sans aucune espèce d’astringent. Bonjour toi que j’aime et qui m’aimesa si peu. Bonjour vous que j’attends et qui ne venez pas, bonjour, je vous adore. Il me semble que je n’ai pas retrouvé votre bougeoirb à sa place. Est-ce que vous aviez une expédition à faire chez vos nombreuses ARTISTES ? Quand je vous verrai, je vous demanderai l’explication de ce phénomène. En attendant et pour n’en pas perdre l’habitude, je bisque, je rage, je vous attends et je vous aime.
Faites-moi sortir aujourd’hui, mon Toto. Depuis huit jours, je n’ai pas pris d’autre exercice que CAPSALI [1]. Il est vrai qu’il était violent, mais ce n’est pas une raison pour me laisser croupir et accroupir toute ma vie dans un coin de ma maison. Je vous préviens que j’ai très mal à la tête, que je trouve le temps très beau et que vous êtes forcé de me faire sortir. Dites-donc, mon amour, j’ai l’honneur de vous rappeler une loi du grand SOLON qui ordonne à tout mâle de coucher trois fois par moisc avec sa femelle. Je trouve cette loi très sage et j’ai l’honneur de vous en faire part. Si Solon vivait encore, je m’adresserais directement à lui pour l’exécution de sa loi mais dans la circonstance présente, je serais obligée de m’en rapporter à votre bonne volonté.

Juliette

BNF, MSS, NAF 16334, f. 240-241
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « m’aime ».
b) « boujeoir ».
c) Ces mots en italiques sont soulignés trois fois.


7 juin [1838], jeudi soir, 5 h. ½

Comment, mon pauvre bien-aimé, tu ne peux même plus me conduire chez la mère Pierceau  ? C’est affreux de penser que nuit et jour et toute l’année je suis là confinée dans ma chambre sans prendre même l’exercice nécessaire à ma santé. Je suis abrutie par les maux de tête, j’ai le cœur triste et découragé. Je ne t’en veux pas mais c’est bien affreux de passer aussi bêtement sa vie, de torturer son corps sans aucun profit pour son âme. Dieu sait qu’il y a des jours où je voudrais être cent fois morte pour n’avoir plus à attendre. Mme Kraft n’est pas venue mais ça m’est égal. Ce qui ne me l’est pas, c’est que toi non plus tu ne viens pas ou si rarement et si peu à la fois que ce n’est qu’un supplicea de plus. Je ne veux cependant pas pleurer malgré le grand besoin que j’en ai. D’ailleurs ce sera comme ça demain et puis encore après et les jours suivants. Ainsi il vaut mieux se résigner. Jamais je ne parviendrai à te faire comprendre que je ne peux pas vivre heureuse et bien portante loin de toi et toujours enfermée. Enfin, je l’ai voulu et je le voudrai toujours probablement. À quoi bon les plaintes et les doléances ? Je t’aime, je t’aime, voilà le mal et pas souvent le bien.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 242-243
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « suplice »

Notes

[1Capsali est le héros du drame d’Ozaneaux Le dernier jour de Missolonghi, créé à l’Odéon le 10 avril 1828. Bocage interprétait le rôle de ce général missolonghiote. Victor y a emmené Juliette.

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