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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 mai [1847], dimanche matin, 8 h. ¼

Bonjour mon aimé, bonjour mon pauvre petit, bonjour depuis la tête jusqu’aux pieds, je vous aime. Quand je serai riche je vous ACHÈTERAI et je ne vous ferai pas travailler. Je vous donnerai des tas de bonnes choses à manger, je vous coucherai dans un bon petit lit tant que vous voudrez, je vous achèterai des bric-à-braca à INDISCRÉTION et des chinoiseries à Toto que veux-tu ? Vous aurez de tout en abondance mais vous n’aurez que moi, ce sera bien CHESSE. Voilà mon programme, voyez s’il vous convient et répondez-moi vivement. Si non, je mets mon CAPITAL en société, divisé par des actions qui donneront le droit à tous ceux qui en prendront de fourrer les doigts dans leur nez, de coucher à la belle étoile, de se brosser le ventre au soleil, quand il y en aura, de monter leur garde et d’acheter des cachemires Cuthbert [1] à leurs épouses.
En attendant, puisque vous n’avez pas de cérémonie aujourd’hui, vous devriez venir vous installer chez moi de bonne heure. Autant moi qu’une autreb pour travailler, c’est toujours assez bien. Si c’était pour autre chose, je ne dis pas et je comprends que vous y regardiez à plusieurs duchesses, comtesses et autres baronnes plus ou moins [H. Lucas [2]  ?]. Mais, je vous le répète, pour travailler, autant moi qu’une autre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 94-95
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « brics-à-bracs ».
b) « aute ».


2 mai [1847], dimanche après-midi, 1 h.

Tu es allé à la répétition [3] directement, mon petit Toto, sans égard pour tes pauvres beaux yeux [4]. Il est vrai que d’un autre côté, il faisait très vilain et que tu as bien fait de prendre tout de suite l’omnibus pour te préserver les pieds de toute humidité. De deux maux tu as choisia le moindre, qui était de ne pas me voir. Je voudrais être à tantôt pour être plus près de te voir, car il faudra bien que tu finissesb par là. Je t’attends avec toutes sortes d’impatiences et bien plus encore, d’amours.
Je t’ai fait acheter des plumes neuves, dont je te laisse l’étrenne, de la poudre et de l’encre. Seulement je ne sais pas si c’est la faute de Suzanne et si elle aura laissé de l’eau dans le godet mais elle me paraît bien pâle. Pour moi, cela m’est égal. Je suis au-dessus de ces délicatesses-là. Mon style est assez COLORÉ et je n’ai pas besoin d’avoir recours à d’aussi petits moyens. Comme je vous humilie dans votre talent d’écrivain ! Comme je triomphe sans pitié de votre infériorité ! Comme je vous abîme et comme je vous COLLE enfin ! Vraiment ça n’est pas très généreux à moi d’en agir avec cette férocité dédaigneuse vis-à-vis de vous. Je le reconnais et je m’en accuse. Plus tard peut-être en aurai-je des remords. En attendant je me fiche de vous à votre nez et à votre barbe et je vous embrasse de même.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 96-97
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « choisis ».
b) « finisse ».

Notes

[1Il semblerait qu’en 1846 un certain Cuthbert ait poursuivi en diffamation MM. Biétry et consorts, lesquels l’avaient fait assigner pour tromperie sur la nature de la marchandise pour un achat de châle en cachemire. La Compagnie Biétry Père & Fils – Châles et Tissus Cachemire serait à l’origine de la première affaire de publicité dissimulée, dénoncée par Le Constitutionnel ou Le Charivari. Au cours du procès intenté par son principal concurrent, Monsieur Cuthbert, propriétaire du Grand Colbert, il fut démontré que Monsieur Biétry fraudait aussi. (« Quelques observations pour M. Cuthbert, contre MM. Biétry et Consorts », Imprimerie Bureau, 1846).

[2S’agit-il d’Hippolyte Lucas ?

[3Marion de Lorme est reprise au Théâtre-Français le 13 mai.

[4Juliette fait allusion dans de nombreuses lettres aux problèmes ophtalmiques de Victor Hugo.

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