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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 mars 1847

14 mars [1847], dimanche matin, 11 h.

Bonjour mon Toto aimé, bonjour mon doux adoré. Je t’envoie ma pensée avec tout ce qu’elle contient, mon cœur avec tout mon amour, mon âme avec toute son adoration, mes baisers tous chargés de tendresse et de volupté. Pauvre bien-aimé, tu avais bien froid cette nuit, ce qui ne t’empêchait pas de travailler comme un pauvre chien pendant que moi je ronronnais dans mon lit comme une vieille frileuse et une vieille paresseuse que je suis. Comment vas-tu ce matin, mon pauvre amour ? Je ne le saurai que tantôt, bien tard, quand tu auras déjà repris depuis longtemps ton cahier de poète. Pendant ce temps-là, moi je me livre à toutes sortes de conjectures tantôt tristes tantôt gaies, je m’impatiente et je t’aime. Tu sais, mon Toto adoré, que c’est aujourd’hui dimanche et que si tu ne viens pas de bonne heure je ne te verrai presque pas de la journée. Tâche de ne pas traîner tes affaires jusqu’à la nuit afin de me donner quelques minutes de joie tantôt. J’en ai bien besoin va. Le soleil a beau briller dans le ciel et les oiseaux chanter dans mon jardin, tant que je ne t’ai pas vu mon cœur reste dans l’ombre et mon âme muette. Tu es pour tout mon être ce que le bon Dieu est pour la création toute entière. Tu es ma vie, ma lumière et ma joie. Baise-moi mon bien-aimé et viens bien vite. Je te désire et je t’attends.

Juliette

MVH, α 8982
Transcription de Nicole Savy


14 mars [1847], dimanche après-midi, 1 h. ½

Je me suis bien dépêchée, mon Toto adoré, pour être prête de bonne heure afin de ne pas perdre une goutte de mon bonheur quand tu viendras. Maintenant c’est à toi à ne pas te faire attendre si tu ne veux pas que je regrette mes frais de diligence et de peine perdue. Avec cela que je t’ai très peu vu cette nuit, occupé que tu étais à griffouiller un tas de bêtises. À propos vous m’avez très bien escamoté vos lettres sans me les montrer. Il fallait que je fusse bien endormie et bien stupide pour vous les laisser emporter sans mon visa. Une autre fois je prendrai deux tasses de café noir et je ne me laisserai plus flouer par vous. Vous avez bien fait de profiter de cette circonstance pour écrire à vos princesses parce que ce sera la dernière. À dater d’aujourd’hui je ne roupille plus et vous ne pourrez plus me faire aucune boscoterie [1]. Quand je pense que vous avez eu le front de me laisser, comme preuve de bonne foi et de fidélité, une lettre à affranchir pour une vieille pauvresse. dérision !!!!!!!!a
Mais soyez tranquille, je vous revaudrai cela. Vous ne perdrez pas pour attendre, c’est moi que je vous le dis. Baisez-moi monstre dans toute l’acception du mot et dépêchez-vous car je suis très pressée.

Juliette

MVH, α 8983
Transcription de Nicole Savy

a) Les huit points d’exclamation courent jusqu’au bout de la ligne.

Notes

[1Du nom de Bosco, célèbre escamoteur italien.

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