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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 février [1847], dimanche matin, 11 h.

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon amour, bonjour ma vraie joie, bonjour mon vrai bonheur, bonjour ma vraie vie, bonjour je suis heureuse et toi ? Je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit mais je ne m’en plains pas, au contraire, puisque j’ai pu penser tout ce temps-là aux deux heures d’amour que tu venais de me donner. Dans ce moment-ci encore le souvenir m’en fait battre le cœur plus fort et plus vite. Ô c’est que je t’aime !!!!!a
Que fais-tu aujourd’hui de ta journée, mon Toto ? Probablement tu travailles, mais je voudrais savoir si tu viendras travailler chez moi car tu sais que je ne te verrai pas ce soir. Ces dimanches soirs sont des siècles d’impatience et de tristesse pour moi et je voudrais les raccourcir par un peu de bonheur dans la journée. Mes pauvres péronnelles ne sont que des pis-aller qui ne me donnent le change sur aucun des ennuis de ton absence. D’ailleurs elles sont de beaucoup diminuées par l’entrée de Julie à la pension Lemaire. Je n’ai plus maintenant pour coryphées que Joséphine et Eugénie, ce qui est plus que médiocre. Aussi j’aurais besoin que tu me donnasses une bonne partie de la journée des dimanches pour me dédommager de mes affreuses soirées. Cependant je ne veux pas te tourmenter, ce n’est pas le moment après ce qui s’est passé hier. Je sais qu’il faut que ces deux heures de bonheur ineffable me servent à défrayer bien des jours tristes et bien des heures d’isolement, aussi je les ménage afin de ne pas les user tout de suite. Tu devrais m’y aider en venant tantôt et en restant jusqu’à l’heure de ton dîner. Si tu fais cela je t’en serai bien reconnaissante et je te promets d’avoir du courage pour jusqu’à demain.
En attendant, et pour t’obéir, je vais écrire à Mme Luthereau en lui annonçant une lettre de toi à son mari. J’ai tellement horreur de l’écriture que je suis en retard de politesse et de procédés affectueux envers tous ceux à qui j’en dois. C’est hideux, je le sais, mais je n’en sens que plus encore mon horreur du papier, de la plume et de l’encre. Je n’aime à écrire qu’à toi mais alors j’en abuse. Tant pis pour toi mon pauvre Toto.

Juliette

MVH, α 7850
Transcription de Nicole Savy

a) Les cinq points d’exclamation courent jusqu’au bout de la ligne.

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