27 septembre 1854

Jersey, 27 septembre 1854, mercredi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon grand bien-aimé, bonjour, mon adoré petit homme, bonjour. Je n’irai pas t’entendre [1] encore aujourd’hui malgré le vif désir que j’en ai pour ne pas donner le plaisir à la malveillance qui nous entoure de faire un petit scandale de curiosité à mes dépens^a. Je resterai donc chez moi à t’attendre comme je le fais, hélas ! depuis plus de vingt ans. Je te supplie de veiller sur toi et de ne pas trop te fatiguer. Il aurait été sage d’emporter un gilet et une chemise que tu aurais changés tout de suite dans la voiture en sortant du cimetière^b. Et ton genou comment va-t-il ? Je regrette que la vieille Land se soit avisée trop tard hier au soir de m’offrir son remède, je l’ai néanmoins accepté pour aujourd’hui dans le cas où tu en aurais besoin. En attendant, mon pauvre adoré, je fais de mon mieux pour n’être pas inquiète de toi et pour ne pas être triste et amère en songeant à toutes les dures et humiliantes privations que mon amour pour toi m’impose. Pense à moi de ton côté, plains-moi et aime-moi. Je n’ai toujours aucune nouvelle d’Asplet [2]. Je ne sais que décider car je suis presque engagée vis à vis de cette femme et si je ne devais pas louer j’aurais dû la prévenir dès hier. Enfin je verrai à prendre ce parti tantôt si ce brave et excellent homme n’est pas venu. D’ici là je t’aime plus que de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 323-324
Transcription de Chantal Brière

a) « dépends ».
b) « cimetièrre ».