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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 27 août 1854, dimanche matin, [9 ?] h.

Je suis triste, mon bon petit homme, car je me suis pas contente de moi. Je suis malheureuse parce que je t’ai blessé hier bien injustement. Tout cela pèse sur ma conscience et me fera souffrir tant que je ne t’aurai pas revu et que je ne t’aurai pas fait mes excuses et que je n’aurai pas mérité mon pardon, je ne serai pas tranquille. Jusque là il faut que je me résigne à mon sort qui n’est pas gai. J’espérais que tu aurais pu t’échapper un petit moment hier au soir, il paraît que tu ne l’as pas pu ; force m’a été de m’endormir avec mes remords pour oreiller. Aussi mes rêves s’en sont ressentis et je me suis réveillée bien des fois dans une grande agitation. Du reste c’est ma faute, c’est ma faute, c’est ma très grande faute, je le sais, je m’en accuse et je m’en repens. Mais tout ne sera effacé que lorsque j’aurai entendu ta douce parole et senti ton pardon sur mes lèvres. En attendant repose-toi, guéris-toi et ne t’expose pas au brouillard qu’il fait depuis ce matin. Quant à moi, je profite de la matinée pour mettre mes affaires en ordre afin d’être libre de tout ennui tantôt et pouvoir me livrer à ma copire sans désemparer. Jour Toto, jour mon cher petit Toto, je suis bien grossière mais je t’aime encore plus. Le chêne est plus rugueux que le jasmin mais il est plus fort. Il n’enivre pas de son parfum mais il peut être utile. Cette comparaison ambitieuse prouve jusqu’à quel point j’ai la conviction d’être une femme peu aimable et peu civilisée mais je sens que j’ai le cœur solide et capable de tout pour te servir. Maintenant, mon cher bien-aimé, je quitte la métaphore pour te dire tout simplement que je t’aime plus que ma vie et que je suis bien fâchée de t’avoir déplu hier.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 269-270
Transcription de Chantal Brière

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