Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1843 > Janvier > 4

4 janvier [1843], mercredi matin, 11 h.

Bonjour mon cher bien-aimé adoré. Comment va ton fils ? Comment a-t-il passé la nuit ? Bien j’espère et tu en seras quitte pour une affreuse inquiétude momentanée. Il faut recommander à ce cher petit garçon de ne plus faire de ces imprudences-là et le faire surveiller de très près afin qu’il ne recommence pas.
Je ne te demande pas pourquoi tu n’es pas venu ce matin, mon pauvre ange bien aimé, je ne le sais que trop bien : tu as travaillé et veillé ton cher enfant. Aussi, mon cher amour adoré, je me réveillais à tous les instants de la nuit pour te réchauffer, pour te rassurer, pour t’admirer et pour t’aimer, mon pauvre Toto ravissant.
Je te remercie, mon bien-aimé, de la jolie petite chaîne que tu m’as donnée. Je suis la plus reconnaissante des femmes et j’en serais la plus heureuse si tu n’étais pas tourmenté et si je t’avais auprès de moi. Il y a bien longtemps mon cher amour que ce bonheur-là ne m’est arrivé ; pas encore une seule fois de cette année ! Je sais bien que tu ne le peux pas, mon Toto adoré, je le sais. J’aurai du courage et de la patience, mon pauvre amour. Tu verras, mon cher petit homme. En attendant, rassure-toi pour ton petit garçon. Je suis sûre que ce ne sera pas grave. Tu verras que je ne me trompe pas. J’ai en dedans de moi une sorte de divination pour tous ceux que j’aime qui me fait voir tout ce qui peut leur arriver de mal et de bien et je t’assure que mon pauvre petit garçon n’a rien à redouter.
À tantôt mon Toto bien-aimé. Pense à moi, aime-moi et viens dès que tu le pourras. Je t’aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 11-12
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette


4 janvier [1843], mercredi soir, 6 h.

Je suis inquiète de ne pas t’avoir vu, mon cher bien-aimé. Je sais bien que je ne te vois pas souvent plus tôt mais alors je n’ai pas le tourment de savoir ton enfant malade. Je donnerais tout au monde pour que tu vinsses tout de suite et pour que tu m’apportasses de bonnes nouvelles. Je suis seule en ce moment-ci. Claire est allée chez son père avec Mme Lanvin qui m’a déjà prévenue que M. Pradier ne donnerait 50 francs pour la robe noire que dans le courant de ce mois-ci. Du reste, elles sont parties par un temps hideux, mais je n’ai pas voulu leur prêter ton parapluie dans la crainte que tu ne viennes dans l’intervalle.
Je n’ai pas payé ma blanchisseuse parce que je n’avais pas d’argent et de toute façon je ne l’aurais pas payéea parce qu’elle a égaré un de tes gilets de flanelle qu’elle s’est engagéeb à me retrouver, mais que je lui ferai payer intégralement, dans tous les cas, étoffe et façon. Depuis hier matin je suis sans un sou. C’est Suzanne qui fait la dépense.

11 h. ¾

Ma pendule avance d’une heure mon adoré ! Suzanne vient de reconduire cette pauvre Toinette à l’omnibus dans un état de souffrance hideux. Pauvre femme, c’est vraiment triste de la voir comme je l’ai vue tout à l’heure. Demain matin de très bonne heure Lanvin reconduira Claire à la pension. Mon cher petit bien-aimé, je vais retomber dans ma solitude plus que jamais car te voilà pris dans ces répétitions jusqu’à la représentation de ta pièce. Mais je tâcherai d’avoir du courage, je te le promets.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 13-14
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « payé ».
b) « engagé ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne