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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 21 avril 1854, vendredi après-midi, 4 h. ½

Dans la pensée que tu ne pourrais probablement pas venir à temps pour me faire sortir aujourd’hui, mon cher petit homme, j’ai fait sur la montagne une petite promenade d’une heure et demie en compagnie du brave citoyen Durand lequel, par parenthèse, était venu aux noms de Royer et d’Asplet [1], pour le premier me faire des excuses d’être resté trop longtemps hier à sa première visite (depuis 8 h. jusqu’à 10 h.), pour le second me dire qu’on croyait être sûr que le hideux Collet était un mouchard. L’avis en était donné de Belgique par un proscrit appelé Fournier à un proscrit de Jersey nommé Vincent. Asplet avait vu et lu la lettre en question donnant avis de la chose. Asplet n’ayant pas pu t’en parler avait chargé le brave Durand de nous en prévenir le plus tôt possible l’un ou l’autre.
Maintenant, mon pauvre trop confiant, il me serait facile d’abuser de ma clairvoyante répulsion en triomphant de votre aveuglement mais je suis généreuse et je ne vous humilierai pas dans votre passion malheureuse pour l’homme crapaud et mouchard qui excite votre admiration et votre sympathie. Du reste j’ai comme un affreux soupçon que vous le saviez hier au soir et que vous n’avez pas osé m’en parler de peur de me voir triompher à vos dépensa. Cette pensée me vient parce que c’est dans la journée d’hier qu’Asplet l’a dit à Durand et que vous y êtes allé très tard et resté très longtemps. Enfin, quoi qu’il en soit, il paraît avéré que cette vieille carcasse communiste cumule la fonction honorable de mouchard avec celle de démagogue bilieux, véreux et visqueux à moins que ce soit moi qui aieb pris le pseudonyme Fournier pour recommander à la confiance des proscrits de Jersey cet honnête et modéré citoyen, bon père, bon époux et vertueux patriote. Du reste, j’en suis fort capable et je vous conseille de bien vous méfier de la Juju et de garder vos armes et votre amour pour l’immaculéc Collet.

BnF, Mss, NAF 16375, f. 150-151
Transcription de Chantal Brière

a) « dépends ».
b) « ait ».
c) « imaculé ».

Notes

[1Il s’agit plus vraisemblablement de Philippe Asplet — très attentif au sort des proscrits et aux mouchards — que de son frère Charles Asplet, mais on ne saurait en être sûr.

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