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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 février [1838], samedi midi

Bonjour mon cher petit homme, bonjour mon adoré. Je ne te verrai que tantôt car tu dois être à ta répétition [1] à présent. Mme Lanvin n’est pas encore venue. Si elle vient et qu’elle apporte l’argent de M. Pradier, je m’en servirai pour l’affaire en question. Jour mon petit Toto. Jour mon petit homme. Jour onjour. As-tu pris du repos cette nuit ? Tu devrais, mon adoré, ménager tes yeux. Nous pourrions faire quelque sacrifice pour te donner le temps de te reposer un peu. Je n’ai pas très bonne grâce à te dire cela. Ce sont des paroles et rien de plus, mais, mon ami, tu m’as ôté la possibilité de faire des actions, tu le sais bien ! Quanta à mes dépenses personnelles, je sais dans ma conscience que je ne fais rien que de nécessaire et d’essentiel pour ne pas paraître sale et dans la misère. J’écris beaucoup trop sur ces choses car cela nous donne à tous les deux une attitude peu convenable. D’un autre côté je suis triste de savoir que toutes tes nuits sont engagées dans un travail pénible et à cause de moi, qu’il m’est impossible de ne pas m’en occuper sans cesse, surtout quand je crains que cela n’altère l’estime et l’amour que tu as pour moi. Je t’aime. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 99-100
Transcription de Marie Rouat assistée de Gérard Pouchain

a) « Quand ».


24 février [1838], samedi soir, 6 h.

Bonsoir, vous. Puisque vous ne répétez pas, il me semble que vous pourriez bien venir un peu avec moi. J’ai été assez privée de vous pendant votre procès et vos répétitions pour que vous me donniez un moment, quand vous le pouvez. Bien sûr, mon Toto, vous ne m’aimez plus comme vous m’aimiez autrefois. Nous sommes tous les deux bien dupes, vous, de rester enchaînéa à une femme que vous n’aimez plusb, et moi d’attendre un amant qui ne vient pas et un amour qui ne reviendra plus.

24, samedi soir, 8 h. ¼

Je t’aime, je t’aime, voilà mon crime et voilà mon excuse. Si je ne t’aimais pas tant, je serais moins désagréable. Si je pouvais t’aimer plus, tu ne pourrais pas me supporter. J’ai honte et chagrin quand je pense que tu me crois avide et sans cœur. Je suis fière de moi jusqu’à l’orgueil quand je récapitule les nombreuses preuves de dévouement et d’amour sans borne que je t’ai donnéesc depuis cinq ans. Enfin je trouve le moyen d’être la plus heureuse et la plus amoureuse des femmes au milieu de mon désespoir et des injures que tu m’as dites. Je t’aime, c’est le malheur. Je t’aime, c’est le bonheur. Je t’aime, c’est un de mes défauts. Je t’aime, c’est ma grande et unique qualité. Je t’adore. C’est l’excuse de tous mes emportements et de toutes mes caresses.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 101-102
Transcription de Marie Rouat assistée de Gérard Pouchain

a) « enchaîner ».
b) « que vous ne m’aimez plus ».
c) « donné ».

Notes

[1Marion de Lorme sera reprise le mois suivant à la Comédie-Française.

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