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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 octobre [1846], samedi soir, 9 h. ¼

Je te demande pardon, mon pauvre bien-aimé, de n’avoir pas pu prendre sur ma douleur assez de force et de calme pour te faire un adieu tendre et résigné. Il y a des choses qui sont au-dessus de toutes les forces humaines et tu dois le savoir mieux que personne, mon pauvre adoré puisque tu les as subiesa toi-même. Cependant je te demande pardon de m’être laisséb dompter par la douleur au point de n’avoir pas eu la force de te sourire à travers mes larmes tout à l’heure. Pourtant je ne t’ai jamais plus ni mieux aimé qu’à présent. Je le sentais sans en pouvoir laisser rien échapper. Ô je t’aime mon Victor, sois-en bien sûr, mon Dieu. Le jour où tu en douteras c’est que tu ne m’aimeras plus toi-même et je n’aurai plus qu’à mourir. Tu sais bien que tu es ma vie et que tu es mon bien, mon espoir, ma consolation à présent et toujours. N’en doute jamais mon adoré, si tu ne veux pas être le plus injuste et le plus cruel des hommes.
Tu ne m’as pas promis de revenir ce soir mais je te sais si ineffablement bon que j’espère que tu viendras si ces MM. te délivrent de bonne heure. Je t’espère, je t’attends et je te désire de toutes mes forces. Pour t’obéir, j’ai séché mes yeux et je reste l’âme et la pensée fixées sur toi. Quand tu viendras tu me trouveras résignée et t’aimant à deux genoux comme l’être le plus parfait et le plus adorable qui soit. D’ici là je te baise en désirs et je te souris du fond du cœur. Tu es mon beau bien-aimé que je voudrais regarder toujours et toujours baiser. Et puis recommencer indéfiniment jusqu’à la fin du monde.
Pardonne-moi le chagrin que je t’ai fait involontairement tout à l’heure, mon Victor adoré. Si j’avais espéré que tu viennes je me serais retenue pour ne pas t’affliger car je ne peux pas supporter la pensée de t’attrister. Pardonne-moi mon Toto chéri et viens ce soir je t’en prie.

Juliette

MVH, α 7808
Transcription de Nicole Savy

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